Danse
Lucinda Childs : “Dance” dans “l’Actu” du Ballet de Lyon

Lucinda Childs : “Dance” dans “l’Actu” du Ballet de Lyon

07 February 2023 | PAR Capucine De Montaudry

Une expérience hors de la réalité. Dance, monument chorégraphique aux mouvements aériens et millimétrés, a été programmé du 2 au 4 février par l’Opéra national de Lyon avec Actus…, la nouvelle création de Lucinda Childs. Le spectacle a eu lieu dans la salle du Toboggan (Décines-Charpieu). La célèbre chorégraphe post-moderne continue de fasciner par son esthétique dépourvue de référent autre que le mouvement lui-même. 

L’un des plus grands monuments de la danse post-moderne

Quarante ans après sa création, Dance demeure une chorégraphie profondément révolutionnaire, qui ne cesse de surprendre par sa totale absence de narration et de figuration. Sa régulière programmation, qu’il s’agisse du festival d’Automne, du Théâtre de la Ville ou des Ballets de Lyon, montre le rayonnement incessant qu’elle continue d’avoir dans l’histoire de la danse. Lucinda Childs est elle-même décorée par de nombreux prix, dont le Golden Lion de la Biennale de Venise qu’elle reçoit en 2017 pour l’ensemble de son œuvre. 

Dance est divisée en trois tableaux : Dance I, Dance II et Dance III. L’Opéra National de Lyon programmé la création originale, avec la musique de Philipp Glass et le film conçu par Sol LeWitt en 1979, et reproduit à l’identique par Marie-Hélène Lebois en 2016, avec les danseurs du Ballet national de Lyon, pour s’adapter aux nouvelles manières de danser. Ce sont eux qui interprètent Dance dans la salle du Toboggan, avec Noëllie Conjeaud dans le solo et dans la nouvelle création de Lucinda Childs, Actus… 

Une esthétique minimaliste et géométrique 

Actus… précède Dance dans cette programmation. La nouvelle création de Lucinda Childs, aujourd’hui âgée de 61 ans, apparaît à la fois comme une introduction et un contrepoint à son spectacle le plus révolutionnaire. Très brève (à peine dix minutes), elle contient tous les éléments que sublime Dance : une grâce et des mouvements hérités du ballet classique, une évolution sur scène qui reproduit formes géométriques sur le sol, la force du corps dansant. Cependant l’intention et la tonalité y sont totalement différentes. 

En effet, conçue au cours d’un long travail avec Noëllie Conjeaud, la chorégraphie rend hommage au peuple ukrainien. La musique Actus tragicus de Bach, qui se fait entendre après les longues minutes d’un silence pesant, donne immédiatement des nuances sombres à la danse. Vêtue de noir, la danseuse semble perturbée par la longueur de sa robe. Ici, l’absence de figuration semble dénoter une recherche de l’harmonie à travers le mouvement. 

Le contraste avec la vitalité de Dance est saisissant malgré la continuité poétique. Cette fois, les danseurs sont vêtus de blanc. La musique de Philipp Glass, à partir de laquelle a été composée la chorégraphie, suit un rythme virevoltant. La tonalité est majeure. Une flûte traversière, entre autres instruments, répète indéfiniment la même phrase. Les danseurs traversent la scène par duos, en effectuant toujours les mêmes pas, millimétrés sur le tempo effréné de la musique. Les images filmées sont projetées sur un écran qui sépare la scène du public. Elles dédoublent les danseurs et les masquent parfois, en donnant différentes perspectives sur la scène. Les variations aériennes contrastent avec l’impression d’une équation mathématique matérialisée sur scène et déterminant chaque geste. 

La poétique du mouvement comme seule source de la chorégraphie

C’est le mouvement qui est au cœur de la chorégraphie, non le corps. Lucinda Childs, dans son travail, s’inspire beaucoup de Merce Cunningham. Il refusait en effet de donner un cadre narratif, expressif ou figuratif à la danse. Les danseurs suivent un rythme intérieur, non celui de la musique. Chez Lucinda Childs se retrouve le refus de référent extérieur à la danse, cependant le mouvement semble davantage une nécessité qui s’impose aux danseurs. Dans Danser encore, les corps sont soumis aux lois géométriques que la chorégraphie entreprend de révéler. 

Au cours de cette nouvelle programmation, les danseurs du ballet de Lyon impressionnent par leur rigueur. Leurs pas et leur répartition dans l’espace correspondent parfaitement aux images filmées. Dans la répétition et ses infimes variations, ils suivent la chorégraphie à la lettre. Le dédoublement de leur corps renforce l’impression qu’ils n’existent sur scène que par l’incarnation d’un mouvement qui les dépasse. Hors de la temporalité, le spectateur plonge dans une réalité abstraite, autonome et codifiée. 

 

Visuel et photographies : Lucinda Childs, Dance, © Agathe Poupeney. 

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