
Gold shower, le face à face transformiste et art déco de François Chaignaud et Akaji Maro au Festival d’Automne
C’est ce qui s’appelle une rencontre. Deux pays, la France et le Japon et deux générations, 37 ans pour l’un et 77 pour l’autre et la sensation que chacun est le double de l’autre. De là à parler d’âme sœur, on est pas loin. Chaignaud et Akaji offrent jusqu’à ce soir un pas de deux aussi époustouflant que burlesque à la Maison de la Musique de Nanterre. Brillant, à tous les sens du terme !
Poser le cadre
Akaji Maro a fondé la compagnie de danse Dairakudakan il y a un demi siècle et il est un maître du butô. Et c’est lui qui rentre en scène en premier et ça aurait presque l’air classique au premier regard. Le crane est presque nu, si ce n’est une queue de cheval d’un blond fort faux, le corps est peint en blanc et il porte une longue robe presque en lambeaux beige rosée. Il va évoluer sur la structure qui compose le décor. Un spa, un temple ? Aucune idée. Il y a de la géométrie et au centre un bassin rectangulaire. Tout danse, les yeux, les doigts. Le corps semble flotter, se déplacer comme si il était accéléré, comme s’il glissait. Et puis, Chaignaud sort de l’eau dans un incroyable et massif cri silencieux qui entraîne tous les muscles. Il est tout or, juste vêtu d’un string très doré, la perruque est crantée, collée à la tête. La rencontre peut avoir lieu. Akaji Maro change d’allure, il devient une Marie Antoinette zombie à la perruque jaune sale éclatée.
Huit tableaux
Si l’idée du spectacle est née en 2013 à l’impulsion du japonais, la patte Chaignaud est très présente dans un culte assumé aux danses et aux esthétiques du premier XXe siècle. Le duo déploie huit tableaux de La lignée de l’extase au Couronnement de la mort. Eux deux racontent dans une danse-théâtre où les yeux et la bouche sont des muscles apparents leur attirance, leur soumission, leur possession. Il y a cette scène qui fera date où Chaignaud corseté à l’extrême est tiré par des cordes, tel un char par Akaji Maro. La danse est démente dans son écriture, elle offre des temps géométriques où le corps est une sculpture art-déco qui alternent avec des frénésies compulsives.
Faire exulter les corps
Alors, c’est sous-tendu mais de la gold shower à la golden shower il n’y a que deux lettres de séparation ! L’exultation c’est celle des courbes de François qui ne cesse de grandir. Il tord, décale et offre des lignes époustouflantes. Akaji Maro est lui immense, spectaculaire, dans des accélérations et un humour qui nous laissent bouche-bée. Le spectacle ne cesse d’offrir des idées plus folles les unes que les autres, bien aidé par les costumes en plexi fluo de Romain Brau qui donnent aux danseurs des allures de drag queen un peu défoncées.
C’est drôle, souvent beau, décalé à souhait. On sort de là choqué avec la sensation de n’avoir jamais vu “ça”. On se quitte sur Nino Rota et l’iconique “La passerella di otto e mezzo”, donnant à tout cela à la fois l’allure d’un cirque et d’un film muet.
Fou.
A noter, le spectacle a une belle tournée et il sera notamment à Chaillot du 7 au 10 avril et les 8 et 9 juin à la Biennale de la Danse – Lyon.
Egalement, de François Chaignaud il faut absolument voir Romances Inciertos qui est repris pour une date au T2G le 24 octobre.
Visuel : ©ADELAP