Danse
Forecasting, Barbara Matijevic & Giuseppe Chico à la Ménagerie de verre dans le cadre du Festival d’automne

Forecasting, Barbara Matijevic & Giuseppe Chico à la Ménagerie de verre dans le cadre du Festival d’automne

27 September 2012 | PAR Smaranda Olcese

Le titre de la performance de Barbara Matijevic et Giuseppe Chico ne laisse aucun doute possible. Leur prédiction, Forecasting, présage pour cette ère des nouvelles technologies de purs temps d’ennui et de platitude abyssale. Peut être n’est-il pas trop tard pour agir ?

 

Le travail du duo croato-italien a été remarqué au festival d’Avignon 2011 qui présentait dans sa programmation intitulée la 25ème heure Tracks (2010) et Forecasting (2011), les deux derniers volets d’une trilogie dédiée à la mise en scène et aux représentations de l’Histoire, dont I am 1984 (2008) était le premier épisode. C’est vers un futur en train d’advenir que se retournent maintenant les deux artistes. Leur performance pour danseur et ordinateur portable puise dans les ressources inépuisables de l’internet. Des mois de recherche de vidéos amateurs sur YouTube, soumis aux aléas du hasard, avec comme seule contrainte la haute définition de l’image permettant une diffusion à l’échelle 1 :1, ont abouti à une pièce iconoclaste, malgré la profusion d’images qui la constitue, fruste, malgré les choix souvent ponctués d’humour, minimaliste de par l’épuisement d’une même idée déclinée dans des situations les plus invraisemblables.

Les deux performeurs orchestrent un drôle de face à face : une animation projetée sur l’écran d’un MacBook pro 15 pouces souhaite au public la bienvenue en plusieurs langues. Pendant 50 minutes il sera confronté au délire, à la facticité et à la vacuité du monde contemporain régi par les nouvelles technologies de l’image et de la communication. Le dispositif commence par faire rire. Petit à petit, à force de séquences choquantes, il irrite et finit par mettre mal à l’aise.

Barbara Matijevic se présente sous l’apparence anodine et rassurante d’une employée du service d’assistance technique d’Apple, mais très vite son corps emprunte les postures demandées par les actions projetées sur l’écran. Deux régimes de perception parallèles se disputent son emprise : réalité physique et image tendent à fusionner à partir de noyaux proto-narratifs. Nous sommes en présence d’un corps hybride et serviable, flexible, sans identité, prêt à fondre dans les moules des délires solitaires publiés sur YouTube. Dans une démarche quasi- borgésienne, les deux performeurs se livrent à un inventaire, certes non-exhaustif, mais néanmoins étonnamment bien fourni, de modes d’emploi, qui glissent de manière très subtile, aux gré d’enchainements bien trouvés, de changements de perspective et de jeux de champ/contre-champ ou cadre/hors-cadre, de savoirs faire banals à des pratiques moins ordinaires : usage d’armes, fétichisme, domination. Un véritable vivarium défile à l’écran et certaines séquences projetées pourraient facilement tourner à la zoophilie.

Cette plongée dans les délires et obsessions qui prolifèrent dans l’ombre de l’anonymat dans les limbes de la toile ne laisse pas indemne. Au delà de la provocation facile, cette performance devrait fonctionner comme injonction à une prise de conscience. Le corps manque cruellement de ce spectacle vivant qui tend à ne pas en être un. Un crâne serti de brillants à la Damian Hirst s’adresse au public pour clore la série de projections et manifester le statut de vanité contemporaine vers lequel tend cette pièce à l’heure de la dématérialisation des corps.

 

photographies © Olivier Heinry

 

 

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Smaranda Olcese

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