El Baile, le mash-up argentin de Mathilde Monnier à Montpellier Danse
Très librement inspiré du Bal de Jean-Claude Penchenat mais aussi de celui d’Ettore Scola, El Baile est une pièce chorale sur l’Argentine, signée de Mathilde Monnier et Alan Pauls et présentée hier en création à Montpellier Danse. Une pièce faite de photographies entièrement chantées qui laisse la sensation d’avoir voyagé dans un pays violent.
Comme dans le tube que fut la pièce Le Bal dans les années 80 en France et comme dans le chef-d’œuvre d’Ettore Scola, il y a des chaises autour d’un parquet de bal. Il y a des danseurs bientôt qui ne vont pas se jeter sur la piste, pas comme ça. Question d’honneur. Nous sommes en Argentine, peut-être aujourd’hui et sûrement il y a 40 ans aussi. Les mecs dominent, ou pensent dominer, mais les filles en talons habillées street elles, sont déjà dans le girl power. Ici, chacun sa place, la danse peut se faire à deux, mais elle peut se faire seule, comme dans une battle hip-hop.
Mathilde Monnier nous confiait en interview, lors de la création de Nos images au T2G, “J’ai besoin d’être dans un monde étranger. C’est comme de partir en voyage. En même temps, le fait d’être dépaysé est quelque chose de dur et de parfois violent. Cela peut faire mal, mais en fin de compte, c’est toujours fort et ça ne menace en rien notre intégrité”. La directrice du CND qui ne cesse de se renouveler sans jamais lâcher les formes, les presque sculptures, comme dans Soapopéra, se confronte avec El Baile à l’ailleurs.
La musique est ici un pot-pourri souvent et volontairement inaudible, comme ces années qui se mêlent. Il y a la guerre quelque part, mais la danse elle, permet de respirer encore. Dans ce spectacle qui parfois manque de cohérence dans sa première partie, des images démentes fusent. Il y a cette ligne en avant scène ou de façon hyper vulgaire et sexy les danseurs enlèvent des couches de vêtements, il y a bien plus tard un tango très Pina qui restera le temps fort du spectacle.
Ici, le rythme est fou et les pas sont ceux des pistes de danse toutes générations confondues. Le Booty Shake succède aux déhanchés plus chics. Monnier s’amuse à naviguer entre la séduction et la vulgarité mais ici, tout n’est que rapport de force entre hommes et femmes et la présence d’un travesti ne change rien à l’affaire. Les filles se retrouvent en cuisine, dans le monde domestique. Mais pour danser en ligne, il faut bien se mettre à niveau, ensemble.
Mathilde Monnier qui pour cette pièce est accompagnée de Alan Pauls s’amuse à jouer des codes de la comédie musicale. Les douze danseurs chantent dans cette pièce qui fait de la musique live son treizième interprète. Et là on se marre, ils chantent faux, caricaturent leur pays entre chansons traditionnelles et cartons pop.
El Baile est un véritable pot pourri, un joyeux bordel qui par moments nous perd comme dans une rue trop bondée de Buenos Aires. Il fait chaud, la transpiration rend fou dans cette salle de bal sans âge. Les rapports humains sont exacerbés et les filles virent hystériques dans des cris suraigus. El Baile pêche parfois par son geste chorégraphique qui va trop vite, qui cherche à tout dire : la société, la politique, le machisme. Mais entre la première et la dernière image, il y a un fil, cohérent qui se tisse et qui nous donne juste envie de danser le tango comme si c’était une chenille dans un bal populaire
Le 37e Festival Montpellier Danse se poursuit jusqu’au 7 juillet.
Visuel : ©Christophe Martin