Danse
Claire Rousier : “Comment exister seul, sans créer de l’altérité ? C’est la grande difficulté du solo”

Claire Rousier : “Comment exister seul, sans créer de l’altérité ? C’est la grande difficulté du solo”

16 January 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Jusqu’au 22 janvier, le Centre National de Développement Chorégraphique d’Angers vit à l’heure du solo. Claire Rousier est directrice adjointe du CNDC d’Angers. Elle est l’auteure de La Danse en solo: Une figure singulière de la modernité, aux éditions du Centre National de la Danse, elle nous parle du festival Solo.

Est-ce que le solo a toujours existé en forme indépendante et non pas comme un temps dans un ballet ? Si non , depuis quand ?
Le solo apparaît à la fin du XXème siècle en même temps que l’émergence de la danse moderne. Auparavant, le public découvrait des solistes qui étaient des artistes mis en avant dans un corps de ballet pour leur virtuosité ou un rôle particulier à tenir.
Ce sont des danseuses et chorégraphes très connues comme Loïe Füller ou Isadora Duncan qui ont créé ce type de format chorégraphique. L’émergence du solo va de pair avec celle de la psychanalyse. Il s’agit alors de mettre en œuvre une forme d’introspection, de révéler la splendeur de l’être en même temps que son universalité. Le solo est à la danse ce que l’auto-portrait est à la peinture en quelques sortes. Il a bien souvent une forme autobiographique.

2 Vous êtes l’auteure de La danse en solo, une figure singulière de la modernité. Qu’est ce qui vous fascine dans cet acte ?

La création de solo constitue un très fort marqueur de la carrière des chorégraphes tout au long du XXème siècle. C’est souvent le creuset de toute une recherche esthétique, on y trouve en filigrane les lignes de tension et de recherche de chaque créateur. Certains artistes comme Mary Wigman ou Daniel Nagrin, grâce à leur nombreux soli, ont pu développer une très forte identité et être reconnus de grands créateurs.

Le solo est bien souvent une « œuvre souche ». A ce titre, c’est une sorte de joyau.

3Le festival danse solo du CNDC a la particularité de faire danser les élèves, racontez-moi !

Les étudiants de l’École supérieure du CNDC s’emparent aussi de la thématique solo de la saison pour proposer au public de découvrir des soli emblématiques de la modernité en danse et leurs propres créations. C’est une opportunité pour eux d’aborder des esthétiques différentes de la modernité en danse et d’interpréter des soli majeurs de cette période. Une occasion de comprendre la logique et les exigences de la composition soliste, d’entrer dans une autre corporéité, un imaginaire et une esthétique liés à un autre contexte historique et de profiter d’une collaboration avec le CNSMD de Paris qui leur transmet des œuvres à partir de la notation Laban. En parallèle, un temps de recherche, de laboratoire et de création en vue de composer chacun leur solo leur fournit l’occasion de s’essayer à cette forme bien particulière et de bénéficier d’un temps spécifique de recherches musicales. Durant toute la semaine et dans des programmes mêlant création et patrimoine, ils s’essaient à « être aujourd’hui » tout en s’appropriant le passé.

4-Vous programmez le magique Romances inciertos, où François Chaignaud n’est pas seul en scène. 4 musiciens l’accompagnent et à un moment le porte. Quel sont pour vous les bornes du solo ?

Comment exister seul, sans créer de l’altérité ? C’est la grande difficulté du solo. Pour cela, les artistes développent souvent une relation avec un partenaire, cela peut être un concept comme l’espace ou le temps, cela peut aussi concerner un personnage fictif ou par un jeu avec un « accessoire partenaire ». Ce jeu se fait aussi bien souvent avec la musique.
François Chaignaud danse seul en jouant avec la musique.

5- Y-a-t-il une différence entre les pièces écrites “seul”, le danseur écrit et danse (Raphaëlle Delaunay, Carolyn Carlson) , et celles avec plusieurs intervenants (Heddy Maalem & Ali Moini) ?

Écrire pour soi-même ou pour un autre est une toute autre démarche même si la problématique de tenir un public en haleine reste la même. Dans le premier cas, la démarche me semble beaucoup difficile et la solitude est forte dans ce type de travail. Dans l’autre, l’auteur dédie son énergie à valoriser des facettes différentes de l’interprète qui interprétera le solo.

Visuel :©Bernardt Mueller

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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