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[livre] “Homo Metallicus, du mythe à la réalité” de Nicolas Bénard

[livre] “Homo Metallicus, du mythe à la réalité” de Nicolas Bénard

16 February 2018 | PAR Simon Théodore

Docteur en histoire et passionné de musique métal, Nicolas Bénard est également l’auteur de plusieurs livres et essais au sujet de la culture Hard Rock. Après deux monographies publiées en collaboration avec le prêtre Robert Culat et consacrées à des formations nordiques (Opeth, Damnation et Délivrance, 2013 ; Katatonia, Sous un ciel de plomb, 2015), l’historien français s’intéresse, à travers son nouvel ouvrage Homo Metallicus, du mythe à la réalité, à la figure de l’artiste métal. Toute La Culture a profité de l’occasion de cette nouvelle lecture pour s’entretenir avec l’auteur.

« L’homo metallicus a un super pouvoir, c’est un surhomme. Il possède le métal. […] La musique – et le métal en particulier – est une surfemme » peut-on lire dans la préface. À l’image de la couverture de cet essai, les quelques pages introductives, rédigées avec humour et nostalgie, font pénétrer dans le cœur et la tête d’un métalleux. Elles reflètent une vérité, chère à de nombreux fans : le Hard Rock ne s’écoute pas, il se vit au quotidien…

L’homo metallicus : un héros aux mille visages

Dans Homo Metallicus, Nicolas Bénard s’intéresse à la figure mythique de l’artiste métal et montre comment ce « drôle d’animal », ou plutôt les représentations qu’on lui prête, ne sont en réalité qu’ « un pur produit marketing », construit par une myriade d’acteurs appartenant au monde métal. Pour cela, les quelques 260 pages proposent une déconstruction du mythe et dévoilent, avec précision, comment les images de l’ « homo metallicus » sont élaborées et entretenues par les maisons de disques, les journalistes, les fans et les artistes eux-mêmes. Divinisé, parfois canonisé, animalisé, symbole d’une hypermasculinité, l’artiste métal n’est pas humain, il est présenté comme plus…c’est un surhomme. En d’autres termes, cette figure fascine, intrigue et émerveille. « L’artiste est une représentation sociale, il représente un peu chacun d’entre nous ! Nous aspirons tous à une vie d’exception mais, en même temps, nous aimons la stabilité professionnelle, familiale. En ce sens, les artistes permettent de vivre un peu de rêve par procuration, le temps d’une écoute ou d’un concert, sans risque » explique le chercheur en sciences sociales.

Pourtant, cette représentation romancée se révèle d’une plus grande complexité. L’un des intérêts majeurs de l’ouvrage réside alors dans le grand travail de collecte d’archives qu’a effectué Nicolas Bénard. Lorsqu’il évoque sa démarche, on imagine aisément le travail de fourmi, propre à la méthode historique, qu’a du engendré une telle entreprise : « J’ai la chance d’être un collectionneur assidu des titres de la presse métal parus depuis 1983, donc le matériau était en grande partie dans mes cartons ! Et puis j’aime noter, ici et là, des idées dès que je lis un article, une interview qui contient des éléments que je pourrais utiliser ultérieurement ». Grâce à ces nombreux extraits d’interviews, que ce soit d’acteurs majeurs de la scène ou d’autres moins connus, le lecteur pénètre dans l’intimité des musiciens et découvre une nouvelle facette de ses « héros métalliques ». Leurs rapports à la famille et au mariage, aux drogues et autres abus, ou encore à leur métier d’artiste comme véritable travail sont dévoilés au grand jour. Ces musiciens redeviennent ainsi des personnes comme les autres. « Cet ouvrage est un hommage que je rends à Metallica, Slayer ou Iron Maiden, mais surtout aux centaines de groupes plus contemporains finlandais, israéliens, brésiliens, portugais ou taïwanais que j’écoute depuis 20 ans » avoue alors le passionné.

« Décris-moi ce que tu écoutes, je comprendrai un peu mieux le monde dans lequel je vis… »

Auteur d’une thèse sur le Hard Rock en France, Nicolas Bénard étaye et argumente sa démonstration en multipliant les références à des anthropologues, des historiens du culturel et des religions, etc. Cet ouvrage prend une dimension érudite et s’inscrit alors dans une réflexion plus large sur la place de l’artiste dans les sociétés contemporaines. Bien que l’ouvrage ne soit pas  uniquement destiné aux métalleux, et preuve que ce phénomène culturel souvent dénigré n’est plus cantonné aux marges de la société, la dernière partie récapitule un ensemble non exhaustif de publications universitaires au sujet de cette musique électrique. Pour expliquer ce récent engouement du monde académique, le « chercheur de métal » revient sur la richesse de cette culture : « C’est un phénomène qui a survécu au temps et qui est aujourd’hui universel et protéiforme. C’est tout de même incroyable d’imaginer réunir, dans le cadre d’un même festival, les Suédois de Europe et d’obscures formations de raw black metal d’Europe de l’Est. Les universitaires ne sont pas des rats de bibliothèques coupés du monde, a fortiori les jeunes générations. Ils s’intéressent à des sujets contemporains parce que leur étude permet de saisir certains enjeux et mouvements qui animent nos sociétés. Décris-moi ce que tu écoutes, je comprendrai un peu mieux le monde dans lequel je vis… ».

Homo Metallicus, du mythe à la réalité, apparaît donc comme un livre qui plaira tant au curieux, désireux de connaître un monde mal connu, qu’aux passionnés qui s’intéressent de près au Métal, à son histoire et sa culture. Tout en restant clair, le propos est dense, riche et devient aussi vivant que passionnant grâce à la multitude d’extraits d’interviews ressortis des couloirs du temps. Néanmoins, on regrettera l’absence d’images et de photographies qui auraient eu leur place pour illustrer un pareil projet. Malgré ce léger manque pour un art aussi visuel que musical, le Métal reste, comme le signale l’auteur dans les dernières pages du livre, une « fabrique à rêve ».

Nicolas Bénard, Homo Metallicus, du mythe à la réalité, Camion Blanc, 260p. 30euros.

Visuel : (c) Couverture de l’ouvrage.

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