
Bagarre ou les querelleurs parisiens
On pourrait penser que Bagarre, c’est encore un de ces groupes parisiens, monté par une bande d’amis qui, entre les révisions de deux partiels, s’amusent à faire de la musique. On pourrait le penser oui, mais faisons taire les mauvaises langues de suite : Bagarre ne s’amuse pas, Bagarre cherche la rixe, le sang et la sueur, aime provoquer les mots et ne laisse rien au hasard, pour finalement sortir victorieux de sa propre bataille. Pour preuve, leur concert donné vendredi soir dernier à l’International.
“Nous sommes Bagarre, bonsoir… Nous sommes Bagarre, bonsoir… Bonsoir, nous sommes Bagarre… Bonsoir, nous sommes Bagarre…Ecoutez moi, nous sommes Bagarre” : le ton est donné, la phrase sera répétée inlassablement pendant toute la performance, sorte de provocation qui cherche à titiller le public par le processus ingénieux de la répétition. Une mise en scène bien trouvée qui suffit à encadrer ces cinq musiciens habillés on ne peut plus simplement : exit le superflu, il faudra donc se concentrer uniquement sur leur musique. Paroles pour la plupart en français, le groupe est porté par un talentueux chanteur, surnommé la Bête, qui profère des textes dans un esprit chamanique à la manière d’un Jim Morrison. Véritablement habité, le transfert s’opère à la perfection sur le public qui ne sait plus où donner de la tête : les paroles (gainsbouriennes à souhait) s’accordent à merveille avec une musique coléreuse et brutale, véritable tourbillon musical qui étire les chansons au maximum, allant parfois jusqu’à six minutes de mélodies vertigineuses.
Perdus quelque part entre l’esthétisme hargneux de Joy Divison et la poésie de Leonard Cohen, ces fous furieux sont sans cesse sur le fil et proposent des chansons à la limite du raisonnable : à la batterie, Stzepourjingsky tape (fort), entraînant dans cette mêlée Thom Loup et sa sauvage guitare, Henri M dont la boîte à sons semble tout droit sortie des meilleures chansons de Django Django et la délicieuse Emma Le masque au synthé, seule touche féminine qui, par sa voix claire et puissante rentre finalement parfaitement dans la baston. Le public n’y tient plus, les âmes sensibles ont disparu de la salle depuis longtemps, les pogos se font sentir, les bières tombent des mains : on se croirait presque à bord des montagnes russes, entre sensations fortes et plaisir contenu…
Il y avait bien de la Bagarre cette nuit là et le carnage n’est pas près de s’arrêter. Pour notre plus grand plaisir.
https://soundcloud.com/la-meute-et-la-bagarre/
Image à la Une : capture d’écran du facebook de Bagarre
Photos : (c) Chloé Maynard