Musique
Rencontre avec Bagarre avant la fin du monde

Rencontre avec Bagarre avant la fin du monde

27 August 2019 | PAR Pierre-Lou Quillard

De Paris à la Kabilyfornie, Bagarre a su séduire les foules au son de son club bariolé, avec leurs titres “Claque-le” ou encore “Béton armé”. De la sueur, de la danse, du sexe, de la poésie et surtout un groupe fusionnel qui partage généreusement son énergie collective dans ses concerts. Une bande de potes horizontale, sans leader… Nous les avons rencontré en table ronde durant le festival du Rock en Seine 2019. 

On sait que vous êtes très appréciés en région parisienne d’où vous êtes originaires. Aujourd’hui, vous êtes au Rock en Seine, l’un des plus grands festivals parisiens. Est-ce que c’est déjà un premier accomplissement d’être devant ce public, ici ? D’être déjà considéré comme une valeur sûre pour des festivals comme le Rock en Seine ?

Majnoun : C’est une étape. On vaut quelque chose en LIVE, on a un truc à raconter et on n’est pas là par hasard.

Emmaï Dee :  Mais je ne pense pas qu’on le prenne comme un accomplissement. Ce serait un peu triste de s’arrêter là.

La Bête : On est ici au Rock en Seine qui fait partie des gros festivals français comme les Vieilles charrues, Gare au Rock… Mais en vrai, la vie sur scène se fait aussi beaucoup en dehors des gros festivals. Tous les groupes ont des tournées où ils vont dans des endroits parfois atypiques. Je me souviens d’une date qu’on avait fait dans une sorte de MJC… une salle des fêtes quoi. Alors, c’est pas du tout le Rock en Seine et pourtant je n’ai jamais eu autant l’impression que notre musique avait une importance qu’à ce moment-là.

Majnoun : C’est là où t’as l’impression de servir à quelque chose. Tu te sens proche des gens et c’est là que ça prend plus de sens. Et parfois c’est plus facile que sur une grande scène comme ce soir de le rendre singulier et d’en faire notre club. Mais en fait, tous les concerts sont importants.

Là, vous allez de voir jouer face aux Cures

La Bête : Ouais mais ce n’est pas la même génération… C’est plus un défi pour eux de rester écoutable que pour nous d’être écouté par les jeunes de notre époque. On a un peu envie qu’ils puissent se représenter en nous. Nous on est sur scène et on a envie de pouvoir leur dire « vous pouvez être à notre place et faites votre route et… »

Majnoun : Devenez des jeunes entrepreneurs !

Est-ce qu’il y a eu un avant et un après par rapport à votre album “Club 12345” sorti en février 2018 ?

Mus : Nous, absolument pas. L’album est sorti et on a fait beaucoup de concerts. C’était assez intense parce que c’était la première fois que l’on partait en tournée en deux ans…

La Bête : Il y a quelque chose qui a changé. Au début, qu’on on faisait notre musique… des gens venaient nous voir. Il y avait un truc un peu bizarre. Puis on a sorti notre album et on a compris qu’ils venaient vraiment nous voir, nous. Et on s’est dit qu’il fallait aller les voir eux. C’est stimulant. T’as envie de te déplacer parce que tu te dis qu’il y a des gens qui ont envie de te voir et chaque concert, tu fais mieux et t’essaie de grossir. C’est un bon challenge.

Emmaï Dee : En tout cas, cette tournée nous a donné envie d’écrire directement la suite, d’écrire vite et de sortir un album qui sortira là, à l’automne.

Vous écrivez tous, interprétez tous des titres en abolissant complètement la figure du leader de groupe sur lequel il repose souvent. Comment écrivez-vous ? Vous vous fixez des règles ?

Mus : Il n’y a pas de règles. On l’a vite appris parce que les règles qu’on s’est mises ne servaient à rien.

Emmaï Dee : On met des nouvelles règles qui peuvent voler en éclat à tout moment donc … On écrit au jour le jour.

La Bête : Au début, on a fait des EP puis il a fallu sortir un album et on a eu un peu un complexe de ça. On s’est demandé comment les musiciens faisaient pour sortir un album. On se dit qu’ils doivent avoir des recettes. Mais on n’y arrivait pas et on s’est écouté. On s’est dit : il y en a qui sont musiciens, d’autres qui sont moins musiciens, d’autres qui sont plus chanteurs, d’autres qui écrivent des textes… On a compris qu’il fallait juste faire une sorte de bordel qui fonctionne pour que tout le monde existe. Si on avait appliqué une sorte de règle basique : guitare, composition, batterie, chanteur, texte… On aurait condamné énormément de textes, de choses à dire et…. Non. On n’a pas de règles.

Vous composez ensemble ?

Majnoun : Oui, on est chacun dans une baraque avec 5 chambres pour pouvoir s’isoler et écrire. On part de Paris pour s’extraire un peu. L’idée, c’est que la Bête va écrire la musique et une partie de la mélodie, Emaï Dee va écrire une autre partie de la mélodie, moi je vais écrire les paroles et c’est Mus qui chante. Un autre morceau, ça va être encore différent. Il n’y a que du cas par cas.

La Bête : La seule règle peut-être, c’est qu’on a besoin du groupe pour réussir à écrire. ON a besoin de notre cocon où l’on peut se dire, autour d’une table « moi j’ai ce thème-là… ». Et ils donnent leur avis. La force du groupe est centrale.

Comment vous pourriez définir votre musique qui est nourrie de multiples références (House, hip-hop, électro, rock inde, trap …) avec vos propres mots ?

La Bête : Nous on a souvent dit « musique de club » parce qu’il y avait une case à cocher pour les médias quand tu faisais des live au début. On te demande si tu fais du rock, du punk, du trash métal ou du jazz manouche… Et ça c’est un pied de nez.

Pour ne pas se fermer de portes ?

La Bête : Parce qu’en fait, ça ne veut plus rien dire les cases à notre époque. Internet a fait que les cases n’existent plus. C’est une question qui n’a plus vraiment de sens. La musique telle qu’elle s’écoute aujourd’hui fait fi de l’album parcequ’il y a Spotify, Youtube, Soundcoud… Deezer. En en fait, tu fais que de passer de musiques en musiques. Tu ne fais que t’imprégner de tout. Sur Soundcloud, par exemple, tu voyais que les beat markers du monde entiers s’écoutaient et se reprenaient le clap de machin, la rythmique de machin, le kick de truc… C’est ça qui fait la musique urbaine, dans le rap.

Mus : On dirait qu’on fait un colloque un peu en mode Red Bull Académie. « Ecoute Man ! Ton Beat, il est chanmé ! Il faut que tu le gardes ! ».

La Bête : Nan mais c’est vrai que les cases musicales ne servent plus à rien tellement c’est le bordel. Après on dira la musique 2010, 2020, internet… C’est juste que ça saoule les magazines parce qu’ils se sont mis dans une case. Mais la musique d’aujourd’hui, c’est le bordel et c’est ça qui est cool !

Emmaï Dee : Après, c’est vrai que l’énergie qu’on a sur scène est rock.

Mus : Moi je dirais qu’elle est post-punk ! 

La Bête : Hardcore…

Mus : Trash Metal…

Majnoun  : Country !

Vous avez parlé d’un album qui va sortir en octobre et que vous avez fait pendant que vous tourniez ?

Majnoun  : Oui, il sortira mi-octobre. Il s’appelle « 2019-2019 ». C’est un peu le projet : l’idée de le faire dans l’urgence, l’immédiateté. On n’avait pas prévu de faire un disque et il est un peu venu à nous parce qu’on avait envie de sortir des choses immédiatement et pas dans un an…

La Bête : Dans un an, il n’y aura peut-être plus de monde vu qu’il y a une sorte de fin du monde généralisée. Tout explose ! L’Amazonie prends feu, Twitter prend feu, Instagram prend feu, les Champs-Elysées prennent feu… Ça, j’ai kiffé ! Tous les feux n’ont pas la même valeur : Notre-Dame, une Porsch, l’Amazonie… Tu ne peux pas l’ignorer ! On s’est fait surprendre par ça cette année et ça a un peu imbibé nos textes.

Majnoun  : C’est ça ! Avant, on a raconté notre club, notre espace, notre histoire individuelle. Et là on est un peu sorti de notre club pour raconter le monde tel qu’il était autour de nous.

La Bête : On dit « 2019-2019 » un peu comme des dates parce qu’on a l’impression que le début et la fin sont au même endroit en ce moments. On vit dans un monde de contradictions… On a l’impression que les choses s’améliorent et qu’en même temps il est déjà trop tard. Il y a la tolérance de pleins d’idées : la question de l’identité, des genres, de la sexualité est en train d’arriver de manière plus populaire et en même temps, il y a une grande intolérance qui revient. Tu as des solutions pour l’écologie qui arrivent et en même temps on pollue de plus en plus. Les contradictions sont main dans la main. On s’est rendu compte qu’il y avait ça dans nos textes. C’est comme s’il fallait le sortir avant que demain n’existe plus…

Majnoun : Un album sur le présent pour le coup…

Et on retrouvera sur cet album votre dernier single « la Kabilyfornie » ?

Emmaï Dee : Carrément. Avec justement la question des identités !

Merci pour nous avoir accordé de votre temps avant votre concert ! Vous serez le 29.11.19 à l’Olympia (Tickets ici)

La Bête : C’est ça ! Merci à vous ! 

 

Découvrez leurs clips et leurs titres sur leur site : https://noussommesbagarre.com et sur leur chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCvfcDZZCJMqjPfbCrEpetWQ 

 

 

 

© Photographies de Pierre-Lou Quillard. 

Montmorillon, la Spedidam au cœur de la ruralité
L’agenda cinéma de la semaine du 26 août
Pierre-Lou Quillard

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration