Pink Floyd : « Money », 40è anniversaire !
Nous célébrons ces temps- ci les 40 ans d’une chanson qui n’a pas pris une ride, « Money », extraite de l’album Dark Side Of The Moon. Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt, il convient donc de partir dès maintenant sans perdre un instant-Time Is Money- à la rencontre de cette face obscure lunaire, expérience sonore unique…
La conception de cet opus marque un tournant dans la carrière du groupe :
Après l’album « Obscured by Clouds » paru en 1972 et ses tentatives Lives malheureuses- les contraintes techniques étant bien trop complexes tant au niveau du son que des lumières- les membres du groupe se sentent frustrés.
Il est temps d’arrêter les délires spatio-temporels qui ont caractérisé la première partie de la carrière du groupe et de passer à autre chose.
Roger Waters, qui s’affirme peu à peu comme le leader après le départ du très barré Syd Barrett, propose la réalisation d’un concept album sur les difficultés de la condition humaine, revenant vers des préoccupations plus « Down to Earth ».
David Gilmour, le guitariste témoigne : « Roger désirait écrire un texte très direct, en exprimant vraiment ce qu’il pensait et sortir du psychédélisme et des gazouillis cosmiques »
« Money », un des titres phares, innove à plus d’un titre :
La rythmique d’abord, en 7 /4- très rare pour un morceau Rock-, plonge le batteur Nick Mason dans des tourments très profonds, la cadence semblant très difficile à suivre au long cours !
Il démarre sur ces captations de caisses enregistreuses, tintements de pièces irritant et froissements de billets agaçant bien connus censés poser le sujet : l’argent plus comme source de tracas que de félicité…
La chanson se construit sur le même principe que la peinture impressionniste : l’addition de touches qui se succèdent donnant à l’ensemble une cohérence globale bien plus riche que la somme séparée de ses différents éléments constitutifs.
Le riff de basse donne l’acompte en ouvrant le bal suivi de près par la guitare au groove étonnement funky faisant dire à Gilmour que « De gentils étudiants tout blancs s’étant mis à faire du Funk », talonnée ensuite simultanément par l’orgue de Rick Wright et la batterie qui seconde la caisse enregistreuse.
Au bout de 2 minutes, le session- man et saxo ténor Dick Parry paye son tribu en nous gratifiant d’un solo grandiloquent, généreux et enthousiaste censé illustrer les sentiments de liberté, de force et de quiétude à la fois que peut procurer l’argent quand ce dernier nous libère des contingences matérielles du quotidien.
Mais à 3 minutes, le tempo s’accélère avec l’intrusion forcée d’un solo de guitare, ce cruel viol assumé d’une mélopée tendance black nonchalante qui se roulait un p’tit joint pépère dans une impasse discrète du Spanish Harlem :
Il est temps de rendre la monnaie de ces pièces carillonnantes, dorées,
mais en surface seulement, tout ce qui brille n’est pas de l’or- traitresses hypocrites aux sourires enjoliveurs, usinées pour donner le change, qui convertissent en débile l’intelligent, rendant insensibles aux détresses du monde les enfants altruistes que nous étions naguère, transformant l’homme réfléchi et pondéré en quêteur monomaniaque et compulsif mangé de tics dont jamais, mais plus jamais il ne se débarrassera…
Ce solo de Gilmour est d’une violence inouïe, Heavy bien avant l’heure, mais étrangement d’un mélodieux presque attendrissant car il désire prendre dans ses bras l’humain en souffrance en une fraternelle et musicale consolation.
Deux longues minutes qui décrivent les ravages de l’argent roi, les tourments de ceux qui en manquent et qui se battent chaque jour- comme tous les jours- avec les découverts bancaires, les chèques pour payer la cantine des gamins qui reviennent impayés, les paies qui arrivent les 5 du mois transformant leur vie en une course contre la montre stérile car perdue d’avance…
« Argent, dégage !
« Argent, c’est un crime !
« Ils disent que l’argent est la cause de tous les problèmes actuels,
« Mais si tu leur demandes une augmentation,
« Ne t’étonne pas qu’ils ne t’en accordent aucune, aucune »
Vous constaterez que cette chanson reste d’actualité…
Et puis, il y a ceux qui possèdent trop, que cela peut rendre arrogants, détestables voire carrément comiques :
Voici l’extrait d’une interview donnée par Giorgio Armani pour Madame Figaro du 25 janvier- ce même Armani qui, lors d’un publi-reportage télévisuel diffusé il y a quelque années déclarait fièrement qu’il n’avait pas d’amis, n’ayant pas de temps à perdre à prendre des nouvelles de leurs proches… :
« Paris ? La ville lumière ne cesse de me surprendre et de me fasciner !
« Le café de Flore ? Ce que j’aime c’est y aller prendre mon petit déjeuner !
« La brasserie Lipp ? Un superbe endroit pour déjeuner !
Le vide sidéral, la lune en deuil, pâle, toute de sombre vêtue, en état de sidération devant tant de banalités.
Pour solde de tout compte, donc…
Money.
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