Classique
Perpignan sous le signe de la magie sonore et visuelle

Perpignan sous le signe de la magie sonore et visuelle

28 November 2018 | PAR Gilles Charlassier

Rendez-vous consacré de la création sonore et visuelle, le festival Aujourd’hui musiques à Perpignan célèbre une inventivité qui dépasse les clivages entre les genres. En témoignent des installations puisant dans les ressources numériques, autant que des spectacles jouant de la magie des lieux et de la mémoire, entre concert au lever du soleil et évocation de la mission Apollo 11.

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Le festival Aujourd’hui musique à Perpignan n’a de cesse, depuis ses débuts, de renouveler autant les formats que les expériences musicales, associées à la création visuelle, pour faire tomber les clivages entre les genres. Le foisonnement de l’édition 2018 ne le démentira pas, tirant parti des ressources du Théâtre de l’Archipel, parfois contesté lors de son inauguration en 2011, mais désormais outil incontournable d’un aménagement culturel du territoire, qui, pendant au moins une décade en novembre, met la cité roussillonnaise au premier plan de la scène contemporaine.

Si la salle du Grenat et celle, plus petite et modulable du Carré, constituent le cœur du bâtiment, la salle panoramique sous les toits, avec vue sur la ville, se prête à des propositions aussi magiques qu’inattendues, à l’exemple du concert au lever du soleil, repris après le crépuscule, proposé jeudi 22 par le duo voix et violoncelle que forment Beñat Achiary et Gaspar Claus. Tandis que ce dernier tisse un canevas hypnotique, démultiplié par un dispositif électroacoustique, et qui emprunte à des sources diverses au croisement de l’improvisation et du free jazz, le chanteur basque invite l’auditeur à une évasion sonore. Les premières vocalises et mélismes font embarquer à bord d’une caravane au milieu de steppes, avant que les paroles et les rythmes n’affirment une évidente affinité avec le flamenco, teintée d’une mélancolie que l’on associerait davantage au fado. Le métissage des influences ne relève pas cependant d’une mosaïque hétérogène, mais bien plutôt d’une originale parenthèse onirique en symbiose avec l’intimisme des lieux, que ce soit dans l’éveil de l’aurore ou dans la pénombre chaleureuse de la tombée de la nuit. Un authentique moment de grâce servi par une intense économie de moyens.

Le lendemain, Thierry Balasse et sa Compagnie Inouïe reconstituent, en tenue d’astronautes dans la grande salle du Grenat, la bande musicale conçue pour la retransmission télévisée de la mission Apollo 11 et des premiers pas de Neil Amstrong sur la lune. Pink Floyd, les Beatles, David Bowie, Syd Barrett, King Crimson se succèdent, aux côtés de O Solitude, un air de Purcell, revisité pour effectif rock et des créations électroacoustique de Thierry Balasse. Sur ce fond sonore qui ne se confit pas dans la nostalgie et témoigne d’une virtuosité où la pop rejoint les formes de la tradition savante, à l’exemple des variations à la guitare électrique, Cosmos 1969 déploie un spectacle acrobatique, porté par les évolutions de Fanny Austry, à couper le souffle sur la courbe suspendue dans les gestes éthérés imaginés par Chloé Moglia, jouant d’effets d’apesanteur qui font revivre l’aventure spatiale. Nul besoin de s’appuyer sur des illustrations : la scénographie et les lumières d’Yves Godin privilégient certes des teintes qui évoquent évidemment le noir de l’espace, mais c’est surtout par le parcours quasi chorégraphique de l’acrobate que le public est plongé dans un ailleurs cosmique, avant un atterrissage en douceur, suggéré par la lente descente du dispositif, jusqu’à remettre Fanny Austry les pieds sur terre, et nous avec sur fond de Because, des Beatles.

Le festival ne s’arrête pas aux soirées, et investit l’ensemble du Théâtre de l’Archipel, avec des installations puisant dans les ressources du numérique. La Matrice d’Erik Lorré, accompagnée par la création sonore de Florent Colautti, scanne les corps qui déambulent et les appareils connectés qu’ils portent sur eux – les incontournables smartphones – avant de retranscrire en codes Matrix leurs données. Une prise de conscience de ce qui nous échappe, jusqu’à nous gouverner, avant une immersion presque zen dans le Cocon élaboré par Ôtanô et Urbrain, croisant projections géométriques et végétales face au spectateur couché, baigné dans les douces senteurs impulsées par un odorama. La mapping de Thomas Vuillaume et Erik Lorré, Vie et mort d’une diva, sur le parvis, confirme, en plus de quelques rencontres à midi dans le centre ville, avec les artistes du festival, la dynamique généreuse d’Aujourd’hui musiques, plus que jamais déterminé à sortir hors de ses murs l’excellence de la création contemporaine, sous la houlette de Jackie Surjus-Collet et Borja Sitjà.

Gilles Charlassier

Festival Aujourd’hui musiques, Perpignan, Théâtre de l’Archipel, novembre 2018

©Patrick Berger

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Gilles Charlassier

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