Musique
November Ultra et Ben Howard : soirée hypnotisante à la Philharmonie

November Ultra et Ben Howard : soirée hypnotisante à la Philharmonie

09 July 2023 | PAR Eleonore Carbajo

La grande salle Pierre Boulez se métamorphose pour fêter du 29 juin au 8 juillet 2023, les Days Off de la Philharmonie de Paris. Ce mardi 4 juillet, c’est sur cette impressionnante scène montée spécialement pour l’occasion que l’on retrouve November Ultra et Ben Howard : l’occasion de renouveler le public au cours de ces journées pas comme les autres au sein de l’institution parisienne.

November Ultra, la douceur et la tendresse accompagnée de Nicolas Lokhart

Sur scène, le décor d’une chambre à la décoration soignée, une fenêtre teintée qui semble s’ouvrir sur un univers musical tout particulier, empli de douceur et de poésie. Révélation féminine des Victoires de la Musique 2023, ce n’est que le début de la reconnaissance pour l’auteure-compositrice et interprète November Ultra, qui nous présente ce soir avec humilité et auto-dérision les titres de son premier album sorti en 2022 et salué par la critique, Bedroom Walls.

Une voix envoutante s’échappe de la scène aussitôt l’artiste entrée sur scène, malgré les remue-ménages d’un public qui peine à être assidu et discret. N’en déplaise aux retardataires, c’est avec sa chanson Miel que la chanteuse débute l’heure que l’on passe à ses côtés, dans l’intimité de cette chambre. Une proximité s’installe entre elle et le public du fait des discussions et confidences dont on se sent dépositaire, au fond de notre siège capitonné, face à tant de transparence et d’empathie. Sur les accords plaqués du synthé, la mélodie et les harmonies qui s’échappent se frayent un chemin avec rapidité vers les oreilles des spectateurs, charmés par cette douce rêverie.

Toujours avec ce même esprit de partage et d’humilité, November Ultra dirige les applaudissements vers son « comparse » de toujours, Nicolas Lokhart, qui l’accompagne sur les planches, conjuguant discrétion et talent afin de mettre en valeur la voix satinée de la chanteuse. Des poses de notes toujours parfaitement justes, qui semblent faciles malgré la rigueur technique nécessaire pour acquérir cette voix aussi douce qu’emprise de force dans chacune de ses variations. Tantôt empreints de reflets bleus ou de couleurs chaudes et orangées, les lumières et le décor tamisé amplifient l’univers de la chanteuse qui enregistre sa voix en direct afin de jouer sur les harmonies et polyphonies de son propre timbre.

Abordant des sujets importants tels que l’anxiété, c’est reconnaissante que November Ultra se livre sur ses doutes, angoisses et rendez-vous avec sa psychologue, qu’elle imagine dans la salle à écouter cette chanson qui la fait se sentir bien, Open arms – et qui nous fait nous sentir bien.

C’est avec humour et partage que le public se fait l’auditeur de confiance du récit du grand-père de l’artiste, cet accro aux réseaux sociaux et unique troll de la chanteuse, qu’elle considère avec beaucoup d’auto-dérision et surtout d’amour. Une déclaration chantée à ceux qu’elle aime, à ceux qui s’aiment, et à ceux à qui elle nous invite à oser dire je t’aime. Aussi à l’aise en anglais qu’en espagnole, l’artiste francophone enchaîne les titres avec douceur et force de caractère. Un bonheur à entendre et à admirer tant November Ultra semble passionnée et presque naïvement heureuse de fouler la scène de la Philharmonie à l’occasion de ce festival, insistant sur le bonheur de partager la scène avec des artistes de renom et de pouvoir faire entendre et connaître des textes et sujets importants par l’intermédiaire de sa grande et belle voix.

La confiance en soi, le deuil, autant de sujets sociétaux qu’embrasse la chanteuse de son timbre doux et tendre, à l’image de sa chanson soft and tender. Une ritournelle semblable à celle d’une boîte à musique sur laquelle November Ultra pose sa voix, comme hommage aux personnes de sa vie partie trop tôt dans the end. Sans oublier l’admiration sans faille pour la chanteuse au mois de novembre à partir duquel elle puise son nom de scène si charismatique.

Une lampe de chevet qui s’allume et qui s’éteint sur scène, symbole d’une douceur, d’une quiétude trouvée grâce à la musique, aussi bien pour la chanteuse et son musicien, que pour le spectateur avec qui elle semble emphatiquement tout livrer, toujours avec cette pudeur cristalline et presque naïve qui fait d’elle la femme forte qui se présente sur la scène de la Philharmonie de Paris, pour célébrer le festival Days Off, fière d’avoir tenu le temps imparti à sa performance, et tournant en dérision sa facilité à bavarder avec son public, en oubliant les heures.

L’hypnotisant Ben Howard et ses musiciens, une soirée finie en beauté

Après un entracte de trente minutes, c’est avec toute l’humilité du monde que le groupe de six musiciens et chanteurs pénètre la scène de la Philharmonie. En tête d’affiche de ces journées folles de la Philharmonie, c’est dans une ambiance intimiste que la rencontre a lieu avec un public pressé de rencontrer sur scène l’artiste britannique, qui entame tout juste sa tournée européenne. Baigné dans la musique depuis sa plus tendre enfance¸ son premier album Every Kingdom connaît dès 2011 un grand succès qui met en lumière les tonalités folks et fiévreuses du groupe. Triomphe de la guitare et de ses nombreux changements, on retrouve chez l’artiste gaucher et ses musiciens cette manière si particulière de jouer, positionnant tantôt l’instrument sur leurs genoux afin d’activer des tonalités lointaines et sans cesse glissantes d’une harmonie à l’autre, ou plaçant autour de leurs doigts un Bottleneck en métal. L’atmosphère qui s’en dégage est celle d’une ambiance presque aquatique et sourde, du fait du mélange indistinct des harmonies des guitares avec celles de la basse et du violoncelle. La grosse caisse joue le jeu de cette atmosphère, cognant en rythme afin d’emplir de tons chauds et vibrants l’entièreté de la Philharmonie.

Côté voix, il est difficile de comprendre les quelques mots adressés au public dans un anglais mâchonné au micro. Pourtant le voyage auditif a bel et bien lieu et les spectateurs ne restent pas indifférents à ce timbre si particulier, qui constitue la marque de fabrique du chanteur. Aussi équipés de micro, les musiciens et notamment la violoncelliste n’hésitent pas à agrémenter les mélodies de nouveaux intervalles, qui se mêlent parfaitement à l’instrumentation chargée du groupe et à la voix envoutante de Ben Howard.

L’ambiance intimiste est amplifiée par la gestuelle des artistes, concentrés sur leur musique et sur ses effets, performant les uns en face des autres, ou patientant tranquillement assis en tailleurs lorsqu’ils ne jouent pas, toujours avec cette simplicité aussi désarmante que charmante. Les jeux de lumière donnent l’impression d’un mirage, d’un décor hypnotisant où les artistes sont tapis dans l’ombre, à l’exception des flashs lumineux qui donnent vie avec poésie à la musique du groupe. Sur grand écran, le public profite de la diffusion d’extraits de clips vidéos, de visuels parfois aussi sombres et brumeux que l’ambiance qui se dégage de la scène, ou parfois saturés de lumières et de dessins contrastant parfaitement avec le reste de l’esthétique du groupe.

La batterie annonce le tempo de certaines chansons à succès du groupe, qui n’hésite pas à jouer aussi bien des chansons issues des premiers albums Every Kingdom et I Forget Where We Were, mais aussi des airs de l’album Noonday Dream sorti en 2018 ou encore des titres du dernier album en date, Collections From The Whiteout. De quoi satisfaire les plus nostalgiques comme les plus à jour des spectateurs, emportés par la mélancolie funeste des mélodies.

Pas de bis pour le public qui en redemande jusqu’à ce qu’un dernier signe de la main du chanteur depuis les coulisses coupe net aux espoirs de prolongations de cette soirée onirique et dont le souvenir semble déjà appartenir au mirage et à la nostalgie qui empli chaque parole et mélodies du groupe britannique emblématique.

Visuel : EC

Trois chardons de Cécile Becq
Philippine : “Ma musique procure un effet de thérapie”
Eleonore Carbajo

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration