Musique
Liza Minnelli habite l’Olympia !

Liza Minnelli habite l’Olympia !

12 July 2011 | PAR Bérénice Clerc

Divine Liza Minnelli, elle fend l’espace de sa présence, fait vibrer les cordes sensibles et mène le show comme personne avec justesse, humour, précision, humilité et perfection.

En ce début du mois de juillet entre soleil et vent frais, le trottoir de l’Olympia grouille de monde très tôt dans la soirée. Liza Minnelli est à Paris, elle a reçu la légion d’honneurs et donne un concert unique. Elle pourrait remplir une immense salle ou rester à l’affiche plusieurs semaines mais une seule date est offerte aux parisiens. La salle est pleine du sol au plafond. Une faune multiple aux accents divers, tantôt Américain, parfois Russe, Italien ou titi parisien attend avec impatience de voir ou revoir la reine du Music Hall, la vraie. Une vieille actrice dont personne ne se souvient s’énerve sur ses talons hauts malaisés et peste de sa voix particulière pour être au premier rang et au centre, sur la droite une engueulade débute, l’excitation est à son comble.

20h pile, à l’américaine, Carine Erseng démarre sa première partie. Une tunique très cabaret, des chaussures très haute hélas reliées à un jeans, comme une faute de goût pour un moment unique de show à l’Olympia. Les musiciens sont excellents, la guitare très manouche vrille et danse sur les ligne multiples d’une contrebasse agile. La chanteuse tente de soulever la foule, de la faire taper des mains et même chanter en pleine lumière mais le cœur n’y est pas vraiment… Quelle lourde tâche, comme cela doit être un honneur ingrat de se retrouver en première partie d’un tel mythe…20 minutes de pause, toilettes, bar, discussions, le temps passe très vite, pas une seconde de plus, la lumière disparaît dans la salle pour apparaître sur la scène. Des musiciens d’une classe absolue entrent tous en costume blanc et cravate de sequins noirs, ils s’installent et démarre le show avec grâce et précision. La foule timide de la première partie se métamorphose en bête féroce donneuse d’amour, debout, criant pour faire venir son idole. Show must go on, Liza Minnelli entre en scène d’un pas humble et décidé, la foule est en transe, hurle, frappe dans ses mains et n’a d’yeux que pour Liza de noir vêtue, une chemise en sequins et une écharpe rouge la font briller de mille feux. Pas besoin d’artifice, sa voix, son charisme et sa force nous emporte dès les premières notes. Liza Minnelli parle avec bonheur et trémolos dans la voix, de son bonheur d’être à Paris, de retrouver l’Olympia, sa famille, son public ami. Il y a tant d’émotion dans sa voix et son corps fragile qu’elle pourrait tirer les larmes…

Elle chante à nouveau, nous sommes au cœur du Music Hall, face à une artiste complète, elle danse, chante, vibre, est un instrument à part entière, sa voix si caractéristique, son souffle plus court bouleverse la salle en délire à la fin de chaque titre aussi peu connu soit-il. Tout son corps est en scène de la pointe de ses cheveux, au bout des ongles de ses doigts de pieds en passant par les mains, tout en Liza Minnelli est habité, tout joue, tout s’offre et se jette dans les bras du public sans rien garder. Une telle perfection est extrêmement rare, un pianiste chef d’orchestre discret, passionné, des musiciens aux tempes grises heureux de jouer et d’offrir des cuivres sublimes, une flute traversière enivrante, une batterie rythmique et douce, un piano mélodique et des cordes envoutantes mêlés à la voix exquise de Liza Minnelli avec une balance magnifique pour des nappes de musique en fusion glissant jusqu’au creux de nos oreilles en émoi. Les lumières sont elles aussi somptueuses comme si John MacCracken et James Turell s’étaient donnés rendez-vous pour éclairer leur compatriote. Loin du show à l’américaine ficelé jusqu’à la moindre respiration entre les chansons, Liza Minnelli en virtuose absolue sait magner la perfection et l’improvisation dans une simplicité enfantine. Elle ne cesse de parler au public, de remercier Paris de l’accueillir et de l’aimer autant, elle se moque d’elle-même et de son physique entre les chansons, n’hésite pas à s’arrêter et à demander à ses amis musiciens de reprendre car elle n’était pas à la hauteur d’un si bon public…

Le public rit, se lève, se relève, crie son amour lui tend des mains et des fleurs et ne sait plus comment se démultiplier, se dépasser encore et encore lorsqu’elle chante Cabaret ou « Comme ils disent » de Charles Aznavour en anglais sans oublier de préciser aux spectateurs que cette chanson fut écrite et chantée il n’y a pas si longtemps, à l’époque où l’on pouvait être arrêté et interné pour être soi-même…

Une joie s’empare de nous, Liza Minnelli offre sa fragilité et sa force au public, elle donne son corps et bouleverse nos vie comme tout artiste devrait le faire.

New York New York termine le spectacle, sa voix tremble, nul n’ai besoin de montrer sa puissance, seul le partage compte, toute l’Amérique s’offre à nous, Broadway, les comédies musicales, le vrai sens du show est palpable.

La foule est en délire, ils en veulent encore, l’Olympia renoue avec ses vraies valeurs, comme au temps de Piaf, Brel, Barbara, l’art décuple les forces de vie.

Liza Minnelli est épuisée, elle pourrait tomber comme Piaf, mourir sur scène comme Molière dans un sourire et une joie de vivre inouïe. Elle revient quand même, enlève le bandeau qui lui sert le visage pour le rendre plus jeune, dit comme cela est une torture, elle est belle, magnifique, peu importe son age et ses rides, elle transcende la beauté plastique. Ses chaussures lui font horriblement mal, qu’à cela ne tienne, elle se met pieds nus et dit être ainsi plus proche des ondes de Piaf et d’Aznavour ! Dans un français aux accentuations américaines touchantes, Liza Minnelli entonne en piano voix « J’ai deux amours » pour notre plus grand bonheur. Elle tente de repartir après avoir salué avec toute son équipe mais la foule hurle de plus belle. La voici seule avec sa serviette de coton blanc autour du cou pour chanter a capella et dire quelques mots en français avec une voix brisée par les larmes.

Un concert mémorable, une vraie diva du Music Hall, puissante, envoutante, juste, sur le fil ténu du don de soi comme une trapéziste vocale sans filet dansant de son corps entier face à une foule en extase.

A 65 ans, avec son parcours, sa vie, peu d’artistes peuvent prétendre à une telle performance. Divine preuve qu’être artiste, chanter, s’offrir aux spectateurs, n’est pas un business mais un engagement total et un travail permanent.

Ne ratez pas Liza Minnelli !

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Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

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