
Live Report Jazz à Saint-Germain : Stefano Di Battista à l’Odéon (16/05/11)
Lundi 16 mai dans le cadre du festival Jazz à Saint-Germain-des-prés, le public a eu la chance de pouvoir écouter les compositions du tout dernier album du célèbre saxophoniste italien Stefano Di Battista, intitulé Woman’s Land.
Le concert s’est déroulé dans une très bonne ambiance. Il Signor Di Battista a su nous charmer tant par son jeu que par l’humour de ses interventions, dans une langue qu’il affectionne tout particulièrement : le françalien. Un savant mélange entre français et italien, qui donne des phrases compréhensibles pour un public francophone avec en supplément le charme du séducteur italien : « Le prochain morceau est una composizione ispirata a una grande figura feminina, Rita Levi Montalcini… On continue avec un otro personaggio extraordinaire, un attrice bellissima, fantastica, qui s’appelle Anna Magnani »
Le saxophoniste était entouré de quatre musiciens. Deux italiens, le contrebassiste Francesco Pugliesi et le pianiste Julian Oliver Mazzariello, et deux américains, le guitariste Jonathan Kreisberg ansi que le célèbre batteur newyorkais Jeff Ballard, qui a joué aux côtés de musiciens tels que Pat Metheny, Chick Corea, Brad Mehldau ou encore Joshua Redman. Au cours de la soirée le quintet nous a donc exposé certains thèmes du dernier album du saxophoniste, chaque composition rendant hommage à une grande femme de ce monde (un vrai italien ce Stefano!). Le maestro a gâté nos oreilles avec les titres «Valentina Tereskova», «Anna Magnani», «Lara Croft», «Molly Bloom», «Rita Levi», une composition en l’honneur de Rita Levi-Montalcini, neurologue italienne, lauréate vivante la plus âgée du prix nobel de médecine qui va aujourd’hui sur ses 102 ans. Bien évidemment, le quintet n’a pas oublié de nous interpréter« Coco », une composition dédiée à Gabrielle Bonheur Chasnel, « Coco Chanel » pour les intimes.
La musique est assez différente de ce que l’on a pu écouter dans ses deux derniers albums. Parker’s Mood tout d’abord, sorti en 2005, qui s’inscrit comme son nom l’indique dans la pure tradition du bop, et Trouble Shootin’ sorti en 2007, un album beaucoup plus funky contenant un bon nombre de compositions originales qui nous rappellent l’univers d’un Horace Silver. C’est un tout autre Di Battista que l’on découvre sur ce dernier album, le saxophoniste s’aventure dans des mondes qu’il avait jusque là peu explorés. Sur le morceau Molly Bloom, on entend par exemple le soprano chanter le thème « My Favourite Things » à la manière d’un John Coltrane. Dans le thème «Valentina Tereskova» on reconnaît un motif à la « Giant Steps » en tierces descendantes. Pas surprenant quand on sait que Stefano a enregistré en 2000 un album avec le célèbrissime batteur Elvin Jones, fidèle compagnon de route de Coltrane présent sur des albums cultes tels que My Favourite Things, Ballads, Impressions ou encore A Love Supreme.
Encore une fois Di Battista a fait preuve d’un lyrisme extraordinaire, et ce tant à l’alto qu’au soprano, qu’il maîtrise avec une aisance déconcertante. Si certains morceaux ne sont pas sans rappeler des compositions de l’album A prima vista le tapis sonore, lui, est quelque peu différent, la présence de la guitare de Jonathan Kreisberg y est pour beaucoup, on a pu apprécier son jeu à travers des solos impressionnants mais également à travers l’impressionnante palette de sonorités qu’il a su développer dans son rôle d’accompagnateur. L’osmose était totale entre batteur, bassiste et pianiste. Le batteur, Jeff Ballard, n’a pas hésité à prendre de longs solos. Toutes les conditions étaient réunies pour mettre en valeur la voix divine du sax soprano, instrument parfaitement adapté pour évoquer et suggérer la féminité. Di Battista n’avait plus qu’à se frayer un chemin et poser ses mélodies. Ce qu’il a fait avec un talent hors du commun, on aurait presque cru qu’il marchait sur l’eau.

Stefano Di Battista le 9 septembre 2010 à la Villette, qui présentait en avant-première son album Woman’s Land. Jonathan Kreisberg à la guitare, Roberto Tarenzi au piano, Rosario Bonaccorso à la contrebasse et Antonio Sanchez à la batterie.