Le grand succès du Festival de Laon
Le Festival de Laon a bien résisté contre l’épidémie et a remporté un grand succès. Ouvert le 8 septembre avec Pulcinella Orchestra et le contre-ténor Carlo Vistoli et clôturé le 10 octobre avec Marie-Josèphe Jude et Stéphanie-Marie Degand ainsi que les musiciens-enseignants dans les conservatoires de l’Aisne, les dix concerts ont été complets ou presque (pour les jauges réduites de 210 places au lieu de 360 pour La Maison des Arts et Loisirs et de 500 au lieu de 800 pour la Cathédrale de Laon). Le thème improvisé de Da Capo, « reprise » en terme musical, n’était que le mieux adapté pour ces concerts tant attendus.
Si le concert de l’ouverture était un hommage au festival de l’Abbaye de Saint-Michel en Thiérache dédié à la musique baroque (conçu par l’ADAMA, Association pour le Développement des Activités Musicales dans l’Aisne, tout comme les Festival de Laon) qui a été entièrement annulé — mais organisé en version numérique, le concert de la clôture, le 10 octobre, était un clin d’œil sur le projet « Les Scènes partagées », également annulé. Le dispositif est mis en place par l’ADAMA pour réunir chaque année de fidèles solistes du Festival et des artistes enseignants dans le département. Deux programmes étaient prévus cette année, l’un autour de la pianiste Marie-Josèphe Jude avec des instrumentistes à codes et l’autre, avec la violoniste Stéphanie-Marie Degand pour un ensemble avec cors. Pour ce dernier concert, Jean-Michel Verneiges, directeur artistique du Festival, a eu une excellente idée de rassembler tous les artistes autour du Quatuor pour piano et cordes en sol mineur K. 478 de Mozart et du Sextuor pour deux cors et cordes en mi bémol majeur op. 81b (la partie basse est doublée ce soir avec le violoncelle et la contrebasse) de Beethoven. Dans les conditions de l’apport acoustique parfois délicat à ajuster à cause de la salle très sonore, les musiciens ont donné le meilleur, notamment les deux cornistes, Mathieu Leclère et Antoine Philippe, qui se sont montrés excellents.
A la fin du concert, la pianiste et la violoniste interprètent ensemble la Sonate pour violon et piano n° 3 en ré mineur op. 108 de Brahms. Le violon au timbre riche et multiple et le piano à la sonorité bien ancrée mais également légère quand il faut, dialoguent tantôt en harmonie, tantôt en confrontation, pour mieux ressortir le romantisme exacerbé. L’agitation de l’âme, la douceur rêveuse, le jeu mystérieux, et les tourments fiévreux, le caractère de chaque mouvement est mis en exergue avec acuité. Malgré la brutalité de certains passages où fait surface l’énergie en gestation constituant la lame de fond, l’interprétation n’est ni austère ni agressive, ni lourde non plus. Les deux musiciens réussissent à exprimer la gravité personnelle et parfois théâtrale de Brahms avec grande élégance ; chez elles, la musique est en perpétuel renouvellement, à tel point que le temps s’arrête, ou plutôt, qu’on oublie le temps qui passe.
Les deux artistes reviennent le 15 octobre prochain à 20 heures avec des lauréats Master 2 du Conservatoire national supérieur de Musique de Paris à la Maison des Arts et Loisirs. Informations et réservations sur le site.
Visuel : ©Victoria Okada