Musique
Le blues du dimanche soir (et comment le soigner)-Deuxième partie

Le blues du dimanche soir (et comment le soigner)-Deuxième partie

18 November 2012 | PAR Arnaud Berreby

Dans la première partie de notre sujet, il est question du “Blues du dimanche soir” que ressentent tant de pauvres gens en ce bas monde. Il s’agit, pour en guérir, de suivre une prescription à la lettre, oui, mais pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de la lettre B, B comme Blues évidemment.

 

Traiter le mal par le mal, écouter du blues pour qu’il s’évapore, c’est le principe même de l’homéopathie, science qui repose sur la mémoire de l’eau.
Buvons donc un peu d’eau du Mississipi à la mémoire des grands Bluesmen.

L’histoire est connue, elle lui appartient: née dans le delta du Mississipi, cette musique est celle des damnés, des moins que rien, des paumés, des pauvres esclaves de couleur, comme on disait avant pudiquement, qui n’avaient que leur dimanche généreusement offert par leur négrier de patron pour célébrer à leur manière et surtout transcender leur mal-être à raconter des histoires, leurs histoires.

Bessie Smith nous chante un “Saint-Louis Blues” en 1925(!) chagrin d’amour ultime, coeur saignant de jalousie, histoire d’une femme abandonnée par l’homme qu’elle aime.
Le goujat l’a quittée pour une bourgeoise de Saint-Louis: “le coeur de mon mari n’est qu’une pierre jetée à l’eau”, chante t-elle.

Ce Blues est typique: complainte nostalgique sur une charpente traditionnelle en douze mesures, mais à noter la présence d’un pont après le deuxième couplet de seize mesures celui-ci, qui accentue l’effet dramatique.
Le génial Louis Amstrong y joue du cornet et répond à la chanteuse tout au long de la chanson.

Robert Johnson, quant à lui, nous raconte dans son “Cross Road Blues” (1936) comment il a vendu son âme au diable afin d’obtenir la suprématie sur le Blues, transaction commerciale qui aurait eu lieu, selon la légende, à l’intersection des routes 61 et 49

Ecoutez : ici

 

Comme le chantera plus tard R.J Dio (Rainbow, Gates of Babylon-1977) “sleep with the devil and then you will pay”; il le paiera cher effectivement: deux années plus tard, il décède à l’âge de 27 ans assassiné par un mari trompé; il devient ainsi le membre fondateur du prestigieux club des 27 qui accueillera Janis Joplin, Jimi Hendrix, Brian Jones, Jim Morisson, Kurt Cobain et Amy Winehouse, tous décédés à cet âge précoce.

Nous vous avons donc donné à écouter deux magnifiques chansons de la première partie du 20e siècle.

Mais le Blues n’est pas une matière fossilisée, appartenant à un passé, aussi glorieux soit-il, dépassé. Beaucoup prennent le relais de nos jours.

En exclusivité pour toute la culture.com, voici pour vous The Salmon’s, groupe francilien sachant pratiquer un blues sanglant mais pacifique.
Les parents des membres du groupe tenaient une guinguette sur les bords de Marne et leurs dimanches étaient dansants, musicaux, festifs: ne ressemblant donc pas à des dimanches.

En fin d’après-midi, cendriers bourrés jusqu’à la gueule, cadavres de bouteilles éventrées, lune argentée en embuscade, récentes cougards full options travesties en groupies pré-adolescentes, ils sortent les guitares et l’orgue Hammond et nous balancent un petit Blues sans prétention mais terriblement efficace leur “Sunday Evening Blues”(2012), antidote absolu à la nouvelle semaine qui pointe le bout de son appendice nasal.
“One more day without you, why did you send me to hell?” déclame le chanteur abandonné, un pensionnaire de plus logé à l’hôtel de la Dernière Chance.

Dans la famille des chanteuses délaissées, prenez le temps d’accueillir Billie Holiday qui nous parle encore d’amour dans “Fine and mellow”, accompagnée par deux saxophonistes exceptionnels: Ben Webster dans un style puissant et coloré et Lester Young, lui, tout en retenu.

“Mon homme ne m’aime pas, il me traite si mal
L’amour te fera boire et jouer,
Déambuler dehors toutes les nuits.
L’amour n’est qu’un robinet qu’on ferme et qu’on ouvre,
Parfois lorsque tu penses qu’il est ouvert, bébé
Il est en fait fermé et s’en va au loin…”

Mais le Blues n’est pas affaire de couleur de peau.

Si toi aussi petit blanc, tu ressens le besoin de t’auto déclarer en état de catastrophe naturelle, tu souhaites partir très très loin d’ici, si possible sans toi-même, prendre un train pour Nowhere en laissant ton ombre sur le quai et en lui faisant un bras d’honneur à travers la fenêtre.

Si le lundi matin tu murmures à ton petit chef: “Mais pourquoi criez-vous comme cela? Il n’y a que nous deux dans cette pièce!”

Alors le Blues a été inventé pour toi.

Bonne semaine.

Image à la Une : Capture d’écran Youtube

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2 thoughts on “Le blues du dimanche soir (et comment le soigner)-Deuxième partie”

Commentaire(s)

  • payet

    Toujours parfaitement écrit comme d habitude et vive l homéopathie

    November 23, 2012 at 17 h 25 min

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