Musique
Interview de Roman Rappak, le chanteur de Breton

Interview de Roman Rappak, le chanteur de Breton

03 May 2012 | PAR Yaël Hirsch

Après un concert évènement à la Gaité Lyrique au mois d’avril, les Breton sont au programme du festival Days Off cet été pour une première partie du groupe Hot Chip à la Cité de la Musique le 7 juillet. Sorti chez Fat Cat ce printemps, après plusieurs Maxi encensés, leur album “Other’s people problems” (voir notre critique) est l’une des révélation de 2012. Ayant choisi un nom surréaliste, venus du monde cinéma, les Breton se sont réunis dans le un “lab'” du Sud de Londres où ils font plein d’expériences sur le son mais aussi sur l’image. Si bien que le Vjing est au cœur de leurs concerts. Toute La Culture a eu la chance de les rencontrer à Crans-Montana, dans le cadre du festival Caprices. Avant d’entrer en scène (voir notre Live-Report) pour un baptême suisse, Roman Rappak a répondu à nos questions. Attention, dialogue franglais de haute volée.

Selon vous, un collage de sons a-t-il un effet spécifique sur l’inconscient ?
Il y a vraiment un lien. Quand on fait un film ou une chanson, il y a un lien direct ave l’inconscient du public. Car ceux qui écoutent utilisent leur imagination pour recevoir le message ; les images et ma mémoire viennent forcément de quelque part. Un lieu mystérieux dans leurs têtes. On ne sait pas vraiment pourquoi on aime un morceau ou pas, mais une chose est sûre ce qui fait qu’on apprécie ou qu’on refuse ce qu’on entend ou ce qu’on voit est inscrit dans la musique ou le film.

La beauté doit-elle être convulsive ?
C’est encore plus vrai aujourd’hui qu’avant. Aujourd’hui, il est important de voir des groupes en live. Tu peux écouter différents extraits sur ton i-pod, les regarder sur youtube, tu peux avoir quinze petites expériences de morceaux, en écoutant tout ou partie d’une chanson. Mais c’est seulement sur scène que tu accèdes à toute une expérience qui ne sera pas répétée.

Et en même temps quand on écoute, il y a un chemin tracé, pour que l’album dure. Cela n’est-il pas un peu contradictoire ?
L’élément convulsif, c’est le point de départ. Mais après on y ajouter des éléments d’intelligence. La musique fonctionne comme l’écriture automatique. Ce n’est pas seulement écrire de la merde mais partir du convulsif et imaginer après ce que ça veut dire.

Vous pensez vraiment qu’il est plus facile de diffuser de la musique que des films ?
Je pense qu’il y a une infrastructure beaucoup plus articulée en musique. Et je pense que la musique a un véritable effet à la fois révolutionnaire et quotidien sur les gens. C’est facile de prendre un instrument comme une guitare acoustique et de s’exprimer auprès d’un petit public. Pas besoin de précision folle, de toute une équipe, d’un tournage et de remplir les salles. La machine de diffusion se met en place beaucoup plus vite.

Vos clips sont tous très travaillés, vous avez déjà les images en tête quand vous écrivez les chansons ?
Cela dépend. Il n’y a pas de procédure régulière. On essaye pas mal de configurations. Par exemple pour « Edward The Confessor » était une chanson qui a commencé par enregistrement sur le terrain, puis on a écrit la chanson, puis on a ajouté les images. Parfois, Ryan, notre VJ projette des vidéos et nous inventons la musique qui va avec.

Quel est votre best-of des musiques de films ?
Question difficile… J’aime énormément le travail de Bernard Hermann. Ce qu’il a fait avec Hitchcock, Sueurs Froides, La Mort aux trousses ou Psychose. Il a aussi fait la musique de Taxi Driver. Des morceaux formidables de musique en eux-mêmes. Et ce qui me semble fou c’est qu’il avait les images d’abord et devait composer en fonction d’elles. Ce qui est le contraire de ce que fait normalement un groupe de musique. Et j’adore la musique du film « There will be blood » signée par Johnny Greenwood.

Il y a des références politiques dans certaines de vos chansons comme « Pacemaker » qui pourrait parler des émeutes de Londres ou « Two Years » qui sembel évoquer les élections de 2010… Prenez-vous souvent position dans vos paroles ? Et essayez-vous de faire passer un message?
Il n’y a pas vraiment de message politique das notre musique. Notamment pour laisser notre public libre de recevoir nos chansons comme il l’entend. Je crois que la chose la plus terrible au monde est de voler quelqu’un de sa propre interprétation d’une œuvre. Donc on essaie juste de comprendre ce qui se passe autour de nous. Et parfois, il y a des évènements politiques massifs comme les émeutes de l’été dernier. Parfois, c’est simplement quand nous emmenons un ami à l’hôpital et c’est d’ailleurs de ce dernier évènement que parle « Two years ». Oui c’est une chanson politique car elle décrit ce qui se passe en Angleterre à ce moment-là, mais c’est écrit du point de vue de la vie privée de notre ami, ce qui se passe dans sa relation avec sa petite amie. Mais la limite entre privé et politique est difficile à tracer. On est affecté par des évènements massifs mais parfois au moins autant par des petites choses : ne pas dormir assez ou… qui a le siège confortable à l’avant dans notre van en tournée. (Rires)

Qu’attendez-vous de votre public quand vous entrez en scène ?
Je voudrais que les gens dansent par moments qu’ils soient déprimés à d’autres moments, qu’ils exultent à d’autres, qu’ils se mettent à réfléchir, qu’ils fassent un peu de tout.

Pari tenu le 14 avril dernier à Crans-Montana.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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