![De Shostakovitch à Eric Breton au Théâtre du Chien qui fume [Live Report]](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2012/10/photo11-640x478.jpg)
De Shostakovitch à Eric Breton au Théâtre du Chien qui fume [Live Report]
Non, tous les théâtres d’Avignon ne ferment pas après le festival. Il reste des survivants, rares. Le théâtre du Chien qui fume en fait partie et il accueillait en date unique hier soir le formidable trio Théma qui a offert un enchantement classique réjouissant.
Sophie Saint-Blancat, Emmanuel Lécureuil (membres de l’Orchestre Lyrique de Région Avignon Provence, respectivement 1er violon solo et violoncelle second soliste) et le charismatique pianiste-compositeur Eric Breton avaient préparé un programme autant ambitieux qu’ exigeant, celui de nous faire partager sans aucune facilité des œuvres de Schumann, Shostakovitch, Dvorak et, belle surprise, une création d’Eric Breton.
Le concert s’est ouvert sur le Trio n°2 de Dmitri Shostakovitch, IIIéme et IVéme mouvement. Le piano est alors maître avant de laisser entrer le violon, puis le violoncelle, ensemble ils affrontent le IVéme mouvement où les cordes sont pincées (Pizzicato), tapées, dans un amusement libérateur. L’âme soviétique se fait ensuite métallique, rappelant à nos oreilles que cette musique là est contemporaine inscrite dans les affres du totalitarisme. Le compositeur a été la cible du régime, épinglé un temps comme “ennemi du peuple”. Le changement d’ambiance est total pour une entrée dans le romantisme de Schumann avec le Trio n°1 IIIème et IVème mouvement. Le trio se fait rapide, fastueux, laissant entendre des prises de risques dans une alternance de tempo faisant la part belle aux grandes envolées lancinantes et envoûtantes. L’arrivée des extraits de “Dumky” d’Anton Dvorak, ou Trio avec piano n ° 4 en mi mineur est une pièce parmi les plus célèbres du compositeur tchèque qui allait chercher son inspiration parfois au coeur de la nature. Le trio laisse place à un autre romantisme, plus naturaliste. Les airs prennent des accents moins élitistes. La beauté est là, dans un suspense magnifiant des oppositions puissantes.
La fin du concert apparaît comme une révélation. La composition d’Eric Breton sonne jazz mais on a tout faux nous explique t-il en sortie de scène : “l’écoute est jazz mais le rythme est binaire alors qu’en jazz il est ternaire, c’est la syncope qui donne cette sensation”. Sa création semble être le résultat des trois oeuvres jouées avant. Eric Breton rend ici hommage à ses aînés. Le trio se lâche, les cordes sont à nouveaux pincées, le piano vient chercher le sombre dans une ambiance de film. On pourrait être chez Claude Lelouch dans L’aventure c’est l’aventure ou dans la course poursuite de l’Amour avec des Si.
Ici, le Si est majeur pour un concert totalement accessible aux novices comme aux spécialistes. En choisissant de parcourir les XIXe, XXe et XXIe siècle, le trio Théma nous embarque avec lui. Les musiciens font corps avec leur instrument, ils témoignent d’une grande affinité à laquelle nous avons la chance d’être conviés.
Le public est ravi, les rappels nombreux. Un trio à suivre de prés. Pour souvenir, et pour mémoire, voici un extrait de « Musique d’une Nuit à Sarajevo », jouée au Kamerni Theatre, écrite en une nuit et dirigée par Eric Breton.