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Le Festival de Saintes au carrefour des répertoires

Le Festival de Saintes au carrefour des répertoires

20 July 2019 | PAR Gilles Charlassier

Depuis bientôt un demi-siècle, le Festival de Saintes défend un renouvellement de l’interprétation musicale, par-delà les clivages de répertoire. Notre escale du 16 juillet en témoigne.

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Venir à l’Abbaye aux Dames de Saintes, où le festival de la cité saintongeaise a ses quartiers, c’est faire l’expérience d’un campus musical où se conjuguent convivialité et excellence artistique, dans une immersion qui remplit l’ensemble de la journée – Saintes est l’un des rares festivals où toutes les répétitions sont ouvertes au public.

Les concerts de 19h30 en constituent évidemment l’épicentre. En ce mardi 16 juillet, Philippe Herreweghe, l’une des figures tutélaires du rendez-vous saintais, propose un programme de musique chorale germanique romantique, avec deux formations qu’il a portées sur les fonts baptismaux, l’Orchestre des Champs Elysées et le Collegium Vocale Gent. Le motet Mitten wir im Leben sind de Mendelssohn exhale d’emblée la pureté et l’homogénéité de l’ensemble vocal, étageant les tessitures en synchronie avec la réserve décantée du luthéranisme. Encadré par deux Aequale pour trois trombones, aux accents de solennité funèbre, le Christus factus est, du même Bruckner, dans sa mouture a cappella, résonne telle une épure équilibrée avec attention. Brahms referme cette première partie avec Warum ist das Licht gegeben, et confirme une sculpture sensible des masses chorales où se reconnaît le mélange de douceur, et de sobriété quant aux couleurs, portant l’empreinte de l’esthétique du chef flamand.

Après l’entracte, la Messe en mi mineur pour choeur mixte et vents de Bruckner, dans la version de 1882, déploie une fresque sévère mais non austère, ponctuée par un tissu orchestral économe, soutenant la collégialité fervente comme l’intériorité de la foi. Si le Kyrie s’épanouit dans des lignes amples, le Credo, scandé en épisodes, illustre remarquablement cette versatilité expressive, sans jamais céder à la facilité sentimentale, tandis que les séquences contrapuntiques, à l’instar de l’Amen concluant le Gloria, affirment une densité polyphonique qui n’oublie jamais une clarté lumineuse. Un panorama qui remet à l’honneur un répertoire assez peu joué en France.

Les agapes de 22 heures invitent les mélomanes à un format plus intime. Le Quatuor van Kuijk placent leur menu sous le signe de La Jeune Fille et la Mort. Si le Quinzième Quatuor de Mozart semble figé sous une patine un peu mate, voire terne, où l’on pressent une retenue presque aseptisée, le célèbre opus de Schubert libère les archets, qui font vibrer la fébrilité de la partition, dès l’Allegro augural. Les variations de l’Andante sollicitent toutes les ressources instrumentales sans altérer un évident sens de la construction dramatique. Le Scherzo, et plus encore finale, prolongent cette lecture haletante, sans temps mort. Un viatique pour la nuit, que l’on peut retarder sous la tonnelle, avec un after qui fait fi des frontières entre les genres.

Les nourritures spirituelles ne sont pas oubliées à l’heure du déjeuner. Bach en est souvent l’invité privilégié, et les musiciens de Gli Angeli Genève ne le démentiront pas, avec un choix de trois cantates, les BWV 99, 113 et 8. Sous la houlette de Stephen McLeod respire une belle complémentarité entre solistes et ensembles, au service du verbe et des affects. Le Cantor de Leipzig est chez lui à l’Abbaye aux Dames : le souci de l’authenticité historique n’empêche aucunement une vitalité jubilatoire. A Saintes, festival s’accorde en genre et en nombre avec festif.

Gilles Charlassier

Festival de Saintes, juillet 2019

©Michel Garnier

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Gilles Charlassier

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