Classique

Festival Présences (6) : une clôture magistrale

20 February 2020 | PAR Gilles Charlassier

L’édition 2020 de Présences, qui met à l’honneur George Benjamin, se referme, dimanche 16 février, par un programme roboratif de trois concerts, et une clôture avec l’Ensemble Intercontemporain et l’opéra de chambre Into the little Hill du compositeur britannique.

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Avec George Benjamin comme compositeur à l’honneur, la trentième édition du Festival Présences a mis en avant un large panorama de la création contemporaine, dans des formats variés. La journée de clôture ne contredira pas cette dynamique. Le premier rendez-vous du dimanche après-midi est confié à l’Ensemble Multilatérale. A l’inverse des formations qui limitent à la performance musicale l’interaction avec le public, Léo Warynski, le directeur musical de Multilatérale, introduit par quelques mots le programme qu’il présente au Studio 104. Comme un témoignage à la figure tutélaire de ce cru 2020, le concert s’ouvre sur Viola, viola de George Benjamin, où les deux altos d’Adrien La Marca et Sindy Mohamed déploient la plasticité d’un dédoublement instrumental tissé de traits d’archet où plane l’ombre de Bartók. Deux commandes de Radio France suivent cette mise en appétit. Tirant son nom d’une mission spatiale russe qui a connu une fin tragique, Soyuz 237 de Lucas Fagin, Argentin né en 1980, joue avec les potentialités quasi psychédéliques des claviers électroniques et d’un effectif s’appuyant sur une polarisation des tessitures, pour retranscrire, non sans humour, ni, parfois, certains effets un peu attendus, le parcours de la fusée, et les bruits du cockpit, jusqu’au terme du voyage. C’est une autre aventure au cœur de la matière sonore que propose Five stages of a sculpture de Cécile Marti (née en 1973). En cinq vignettes, enchaînées selon une remarquable efficacité suggestive visuelle, la pièce décrit l’émergence d’un objet à partir du façonnement d’un matériau brut. Depuis la glaise orchestrale naît peu à peu une dialectique entre les deux altos, jusqu’à libérer un chant unique à deux voix quasi homophones. La saveur du concept rejoint la sensibilité du savoir-faire de la réalisation musicale. Enfin, Yann Robin (né en 1974), le directeur artistique de Multilatérale, présente la première française de Übergang I pour ensemble, qui plonge dans une saisissante dynamique de la pâte sonore pour traduire, dans son langage idiomatique, l’expérience des états intermédiaires mentionnés dans le Livre tibétain des morts. Au fil de la dramaturgie inspirée de ce programme, l’Ensemble Multilatérale développe un condensé de sa poétique des limites et des métamorphoses du son.
Les deux derniers concerts de ce Présences 2020 ont lieu dans l’Auditorium. Si, comme la veille avec le piano de Florent Boffard, le consort de violes Sit Fast, auquel se joint la mezzo Sarah Breton, met en regard des époques différentes, le parcours ici proposé distille d’abord un intimisme homogène où trois extraits des Three sonnets and two fantaisies opus 68 d’Alexander Goehr dialoguent avec des pages des seizième et dix-septième siècles. Fruit d’une aide à la création du Ministère de la Culture, Lignes de lumières de Grégoire Lorieux (né en 1976) se fait prudent et méditatif, tandis qu’en conclusion, Upon silence de Benjamin se délie en mélismes raffinés. A 18h30, c’est l’Ensemble Intercontemporain qui officie, sous la direction attentive de Pierre Bleuse, dans un concert en hommage à deux interprètes de l’ensemble récemment disparus, Guy Arnaud et Christophe Desjardins, et sur lesquels le violoncelliste Pierre Strauch prononce quelques mots. Deux commandes de Radio France ouvre la soirée. Urban song, pour grand ensemble, de Bastien David (né en 1990) impressionne par la maîtrise des ressources instrumentales, tant en termes de couleurs, que de dynamique et de construction formelle. En une quinzaine de minutes défile une virtuosité d’accents jamais gratuite qui modèle une entropie poétique jusqu’à la dislocation des cellules thématiques, que l’on peut interpréter comme une échappée hors du tourbillon métropolitain autant que comme une désolation post-apocalyptique. C’est le propre des grandes œuvres : l’expérience sonore et l’objet musical dépasse le support intentionnel. Noli me tangere, d’Isabel Mundry (née en 1963), contraste par une écriture aux confins du souffle, où la percussion de Samuel Favre caresse les inflexions d’un discours qui se soucie d’abord d’immerger l’auditeur – dans la veine de l’esthétique de la compositrice allemande. Enfin, le conte lyrique de Benjamin Into the little Hill referme le festival avec une lecture de haute tenue, précise et subtile, qui fait regretter l’absence de textes et de surtitres pour mieux goûter les subtilités du texte chanté par Jennifer France et Helena Rasker. Un beau tomber de rideau pour une trentième édition riche, éclectique, exigeante, à l’image de ce que doit être Présences.

Festival Présences Radio France, concerts du 16 février 2020
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Gilles Charlassier

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