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Beethoven à l’heure contemporaine à Lyon

Beethoven à l’heure contemporaine à Lyon

18 February 2020 | PAR Gilles Charlassier

Dans le cadre de la pléthorique année Beethoven, l’Auditorium de Lyon invite l’orchestre du Gürzenich de Cologne, placé sous la direction de François-Xavier Roth, dans un programme original qui anastomose des œuvres du compositeur romantique avec des pages contemporaines, en une habile dramaturgie musicale.

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Francois Xavier Roth

Photo: Marco Borggreve

L’année Beethoven s’annonce riche de concerts. Au sein de ce foisonnement, François-Xavier Roth, avec son Orchestre du Gürzenich de Cologne, et la complicité de Pierre-Laurent Aimard, présente à Lyon un programme original reliant des extraits des opus du maître allemand avec des pages contemporaines, dans un tissu musical et narratif souple et continu, accompagné par une dramaturgie scénographique minimale, conçue par Patrick Hahn, où les entrées et sorties interprètes, en particulier du pianiste français, sont quasi chorégraphiées par Jörg Weinöhl, sous le jeu de lumières réalisé par Stephanie Erb et Konstantin Adam.

Ce calibrage visuel ne distrait pas cependant de l’essentiel, un discours musical aussi habile qu’inspiré, où le passé romantique dialogue à égalité avec la création moderne et contemporaine. Relayé par des haut-parleurs répartis dans l’Auditorium, Pierre-Laurent Aimard détaille, dans un tamis intimiste, la mélancolie méditative du premier mouvement de la Sonate n°14 en ut dièse mineur opus 22, avant le premier des Interludes qu’Isabel Mundry a tricoté entre chacune des pièces et qui fonctionnent comme les échos et les ombres des mesures qui s’achèvent, tout en fertilisant les prémices celles qui s’annoncent. Tableau de Lachenmann prolonge l’exploration quasi interrogative de la matière sonore, que l’on retrouve dans les notes augurales de la Symphonie n°1 en ut majeur opus 24. La présente lecture du premier mouvement affirme une fraîcheur, sinon une liberté dans l’élan, qui se confirmera dans le mouvement initial de la Symphonie n°4 en si bémol majeur opus 60, un des maillons les moins célèbres du corpus symphonique de Beethoven. La première partie de la soirée se referme sur l’autre extrémité de la reconnaissance posthume du compositeur, la fin du scherzo et le finale de la Symphonie n°5 en ut mineur opus 67, préparés par les frémissements d’un interlude. Sans renier la précision de la masse orchestrale et de la mobilité de timbres équilibrant verdeur et poli de la sonorité, l’ensemble sert de tremplin à une éclatante vitalité où la lettre sert de ferment à la vigueur de l’esprit.

Après l’entracte, le soliste égrène quelques Bagatelles opus 119 – less 7, 9, 10 et11– entrelardées d’interludes, façonnant ainsi une rêverie musicale à cheval sur les temporalités, avant de faire retentir les accents du finale du Concerto pour piano n°5 en mi bémol majeur opus 73, avec une vaillance jamais monolithique, au diapason de la réponse orchestrale. Les tropismes de Beethoven sont relayés, avec gourmandise par Francesco Filidei dans Quasi una bagatelle, qui tresse une parodie du matériel thématique et des cadences du Concerto Empereur, sans que la voix du pastiche n’étouffe celle d’un langage et d’une maîtrise personnels : avec maestria, les interprètes défendent l’ivresse humoristique d’une page irrésistible. Les variations de l’Arietta de l’ultime Sonate pour piano n°32 en ut mineur opus 111 contrastent par une intensité vivante et quasi recueilli, avant de céder à un autre moment de ferveur, avec l’Allegretto de la Symphonie n°7 en la majeur opus 92, distillant une pulsation aux halos presque fantomatiques. Comme un épitomé de la soirée, le programme se referme sur le jubilatoire Photoptosis de Zimmerman, où des citations de la Neuvième de Beethoven voisinent avec Bach, Wagner ou le Veni creator. Au-delà des ponts didactiques, François-Xavier Roth et les musiciens du Gürzenich font tomber les frontières entre les générations et les esthétiques dans ce « Beethoven au futur » où la vérité de l’histoire de la musique ne peut-être qu’œcuménique.

Gilles Charlassier

Orchestre du Gürzenich de Cologne, direction musicale : François-Xavier Roth, 17 février 2020, Auditorium, Lyon

©Marco Borggreve

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