
Anne Le Bozec au Musée de l’Armée
Spécialiste du Lied, la pianiste Anne Le Bozec a pensé le programme “Complaintes de soldats” autour des lieder de Mahler. Accompagnée de trois chanteurs, elle a démontré une fois de plus toute la poésie qu’elle savait insuffler à une thématique ardue au premier abord.
Donné à l’Hôtel national des Invalides Grand Salon, le concert avait un aspect intimiste, malgré le côté imposant du lieu. Anne Le Bozec, qui a approfondi sa connaissance du lied en Allemagne à la Hochschule für Musik était en terrain familier. D’une grande musicalité et d’une grande fluidité, le programme qu’elle proposait témoignait de son aisance avec ce répertoire. Ce sixième concert du cycle “Confidences et complaintes de soldats” du Musée de l’Armée faisait écho à l’exposition Dans la peau d’un soldat. De la Rome antique à nos jours, visible jusqu’au 28 janvier 2018.
La pianiste, également professeure d’accompagnement vocal au Conservatoire de Paris (CNSM), soutenait la voix de deux de ses élèves, Adèle Charvet, mezzo-soprano et le baryton Edwin Fardini, très convaincant dans ses interprétations. La chanteuse Delphine Haidan remplaçait quant à elle Janina Baechle qui n’a pu assurer le concert pour des raisons de santé. Très poétiques, les lieder allemands ou plus imagés, les chansons des Français André Jolivet et Francis Poulenc amenaient le public à plonger dans la vie intérieure du soldat. S’y mêlent nécessairement la mélancolie de celui qui est loin des siens et la douleur du témoin de tant d’atrocités. Ces sentiments se retrouvaient dans les chants du Cor merveilleux de l’enfant de Gustav Mahler et dans les Complaintes de Jolivet. Sentinelle, fantassin ou franc-tireur, le héros des temps modernes est aussi compagnon de la mort. L’extrait du troisième acte de l’opéra Wozzeck de Berg rappelait cette proximité terrible par ces teintes sombres et puissantes.
Les morceaux choisis et joués avec toute la subtilité dont sait faire montre Anne Le Bozec offraient un panorama tout en nuances des émotions que peut ressentir un préposé au combat. En deuxième partie de programme, l’air populaire de “Oh, it’s a lovely war” de Courtland et Jeffries chanté avec beaucoup d’esprit par Edwin Fardini offrait un contrepoint plus léger au lieder dramatiques. Inattendu dans un répertoire classique, cet air démontrait s’il le fallait encore l’aisance d’Anne Le Bozec a traiter la thématique retenue. La pianiste avait d’ailleurs participé en 2016 à l’enregistrement remarqué de Verdun, feuillets de guerre au label Hortus qui a initié une collection sur « Les musiciens et la Grande Guerre ».
Visuel : © Accent Tonique