Musique
Benjamin Paulin : “Je ne voulais pas d’un album de frime”

Benjamin Paulin : “Je ne voulais pas d’un album de frime”

02 April 2012 | PAR Yaël Hirsch

Après l’ « homme moderne » Benjamin Paulin revient ce 9 avril avec un nouveau maxi autour de son titre « variations de noir ». L’album est prévu pour le 4 juin et s’intitule sobrement « 2 ». TLC a eu la chance d’écouter ce superbe disque d’orfèvre orchestré par Frédéric Lo, et dans lequel on découvre un Benjamin Paulin ultra-sensible (voir notre critique). Et nous avons également interviewé Benjamin un après-midi ensoleillé de la fin du mois de mars dans un très joli salon de thé aux alentours du canal Saint-Martin. Rencontre.

Pouvez-vous nous parler du Maxi qui sort ce mois-ci ? Il contient l’original et 4 remixes de votre chanson « variations de noir ». Cet exercice du remix vous’est-il familier ?
Oui, le maxi contient 4 remixes signés Mike Simonetti, Yann Wagner, David Shaw et Sayem. C’est un exercice auquel je ne m’étais jamais prêté avant. Mais c’est intéressant parce qu’il y a vraiment une relecture à chaque fois. Et je trouve ces quatre éclairages différents complètement passionnants.

Le clip de « variations de noir » sort en plusieurs versions très cinématographiques …
Il y a trois volets à ce premier clip, et à chaque fois il s’agit des premières impressions d’une personne en train de simplement écouter le morceau. On a dévoilé la deuxième personne : Hafsia Herzi et le mystère reste encore entier pour la troisième personne. On a conservé une certaine radicalité qu’on a voulue pour le disque et on l’a adaptée à l’image. J’en suis très content, après on n’a pas du tout influé et on a pas du tout donné de direction.

Comment cela s’est-il passé avec Rossy de Palma ?
J’aime beaucoup Rossy de Palma et il se trouve qu’elle avait écouté mon premier album qu’elle avait adoré. Quand le réalisateur lui a proposé de venir tourner le pilote des clips de « variations de noir » elle a tout de suite dit oui et elle a fait l’aller-retour dans la journée. C’était vraiment adorable. Le tournage m’a beaucoup ému. Rossy a tout de suite compris de quoi il s’agissait. Elle a vraiment compris où allait le morceau car elle parle parfaitement français. Elle était tellement dedans qu’elle a même pleuré ; elle s’est perdue dans son noir à elle.

D’où vient le titre si sobre de votre nouvel album, qui doit sortir en juin ?
« 2 », c’est évidemment parce que c’est le deuxième album sous ce nom. Mais aussi parce que je parle de la dualité entre l’auteur et l’interprète. Et de la difficulté de se faire l’interprète de soi en tant qu’auteur. L’album a été écrit selon un scénario qui prend forme dans une boulimie de vie et où l’auteur essaie de corriger ou de rattraper le trajet de son interprète. Je suis parti de cette histoire pour construire un album-concept, sans jamais l’emprisonner dans une narration. Donc à chaque fois ce sont vraiment des évènements qui se passent dans la vie de l’auteur et que j’ai mis en chanson. Il y aura sans doute un texte qui accompagnera l’album pour expliquer.

Après le crooner-séducteur-agent secret du premier opus, il y a un vrai changement d’image…
C’est aussi pour ça que j’ai voulu raconter cette histoire de l’auteur et de son interprète. A un moment, je me suis senti un peu prisonnier de l’image que je m’étais créée sur le premier disque. Ce n’est pas vraiment un personnage, mais une manière d’assumer un certain type d’écriture musicale. Le premier album était vraiment un album de passage entre du rap et quelque chose de plus chanson, qui comportait toutes les erreurs et en même temps toutes les qualités qu’on peut avoir sur quelque chose de nouveau.

La page du rap est donc définitivement tournée ? Le dernier titre de l’album « Echantillon de Paradis » a encore un faux air de slam…
Le titre conclusif de l’album est parlé. Ce n’est pas du slam, c’est un générique de fin. Il est assez bas, mais cela reste chanté, c’est plus bas en tonalité. Le slam n’a jamais été une influence pour moi. Pas plus que cela ne l’a été pour Gainsbourg ou Joe Dassin quand il a fait l’Eté indien. Aujourd’hui on a tendance à mettre le mot slam dès que c’est « parlé». Si je ne me sens pas proche du slam., le rap est évidemment l’univers d’où je viens. Autant sur le premier album on pouvait encore sentir l’influence du rap. Autant sur ce nouvel album je pense que j’ai vraiment réussi à m’en extraire, ça me plait beaucoup et du coup j’aurais beaucoup moins de difficulté aujourd’hui à refaire un morceau de rap ; je le ferais comme ça, avec un œil libre. Je n’ai plus besoin de couper les ponts entre le rap et moi. J’assumais moins sur mon premier album, ça m’emmerdait d’avoir fait du rap. Alors que maintenant en fait j’en suis très fier.

Sur scène cela va faire une différence ?
Nécessairement, puisque la musique est nouvelle et différente, mais aussi parce que dans le premier album j’étais d’une certaine manière protégé par le personnage que j’avais créé et par le caractère cynique du propos. L’humour me permettait de mettre tout à distance de moi et sur ce nouvel album je voulais être beaucoup plus proche de mes émotions. Je ne voulais pas que ce soit un album de frime. Je ne suis pas en train de dire que le premier disque est un album de frime ou que je n’en suis pas fier, au contraire. Mais je continuais à garder une certaine « punch line » qui me venait peut-être du rap. Sur « 2 » j’ai eu envie de laisser plus de place à l’émotion, à la musicalité et aux autres aussi. C’est un album plus triste. Je l’ai peut-être fait dans une période qui était plus dure pour moi et cela ressemble à ce qui se passait en moi quand je l’ai écrit.

Il y a aussi beaucoup plus de synthétiseur dans « 2 » que dans « L’homme moderne »…
Il a déjà le son de Frédéric Lo, qui a toute une collection de synthétiseurs. Il y a effectivement un clin d’œil aux années 1980, mais aussi aux années 1970 et 1990, au hip-hop, il y a un peu des clins d’œil à tout dans cet album. Il s’est construit d’une manière totalement différente par rapport au premier. Le premier, au début, c’étaient des sample et ensuite on est parti avec les musiciens avec l’idée de reproduire ces sample en changeant un peu les refrains et les parties B. Mais il a été fait à partir de disques des années 1960, donc il avait nécessairement cette couleur. Alors que tout est neuf dans le nouvel album. C’est une espèce de pop un peu instinctive. On peut dire que j’ai vraiment composé des chansons pour la première fois. Ça s’est fait différemment.

Frederic Lo, Herbie Flowers… cet album regorge de nouvelles et illustres collaborations…
Sur « Attendons les secours », c’est Fink qui joue de la guitare. Il s’agit d’un formidable songwriter anglais que j’aime beaucoup. Pour Herbie Flowers, Frédéric (Lo) l’avait rencontré lors du spectacle conduit par Jean-Claude Vannier autour de Melody Nelson à la Cité de la musique en 2008. Herbie était le guitariste original de l’album de Gainsbourg. Quand on a commencé à réfléchir sur mon disque avec Frédéric et qu’on a commencé à parler de nos références, Herbie s’est imposé. Parce que bien sûr « Transformer » de Lou Reed, Bowie, et bien sûr Gainsbourg. Et sur scène je vais également être très bien entouré : Entre autres : Christophe Deschamps à la batterie et le guitariste et le bassiste de Rococo . Et Frédéric est là, évidemment pour aider la réalisation du spectacle.

Les textes de vos deux albums sont absolument formidables. Avez-vous des projets d’écriture en dehors de la chanson ?
Oui j’ai écrit des nouvelles, dont une va être publiée bientôt dans le n°1 d’une nouvelle revue qui s’appelle Le déserteur. Pour le roman, c’est une forme que je n’ai pas trop exploitée. La nouvelle, c’est proche de la chanson, c’est une forme compacte, et j’ai encore besoin de compacter. Pour garder cette puissance qui émane des formats courts. Mais bien sûr j’aimerais beaucoup. Savoir garder de la force sur plusieurs centaines de pages.

Concordan(s)e, “I think not” : où l’écriture et le corps se rencontrent
Drawing Now Paris, retour sur l’actualité du dessin contemporain
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration