Musique
Barbara à travers le tendre prisme de son accordéoniste Roland Romanelli

Barbara à travers le tendre prisme de son accordéoniste Roland Romanelli

27 March 2013 | PAR Camille Hispard

Celui qui accompagna Barbara pendant 20 ans à l’accordéon, véritable compagnon de route nous livre pudiquement une partie de leur histoire, nous plongeant dans l’intimité d’une femme hors du commun, dans une aventure musicale émouvante et singulière servie par la pétillante chanteuse Rébecca Mai.

Ça commence par quelques notes d’accordéon discrètes et lointaines, que l’on entend derrière le rideau. Instantanément nos oreilles se souviennent. Ces quelques notes pianotées sur l’accordéon c’est Ma plus belle histoire d’amour. Dès ces premières petites gouttes d’elle à travers ses mains à lui, on sait que le spectacle nous a déjà conquis. Quand le rideau s’ouvre sur la petite mais charmante scène du théâtre de la Comédie Caumartin l’accordéon rouge flamboyant de Roland Romanelli nous ravis par son allure au soufflet délicat et sa présence majestueuse. Roland Romanelli grand gaillard aux cheveux longs, au regard doux et profond commence alors son histoire. Celle qu’il a vécu aux côtés de la dame brune, Barbara. Tout commence par un coup de fil de la chanteuse avec qui il rêvait de jouer qui lui donne rendez-vous : “Prenez votre accordéon, on ne sait jamais.” On comprend déjà à travers ces mots toute la malice et le cynisme de Barbara qui ne finiront pas d’étonner l’accordéoniste. Un rendez-vous et c’était lancé : 20 ans de sa vie embarqués aux côtés de la chanteuse, 20 ans de tournées et de compos.

Avec un mélange de live et de voix off, on revit avec lui les ambiances du Paris des années 60. On suit frénétiquement cette femme à mille à l’heure. : Barbara, interprétée ou plutôt subtilement célébrée par Rebecca Mai. Ils nous rejouent tous deux la scène du premier baiser entre Barbara, femme fatale et Roland, son accordéoniste, compositeur de talent. Le début d’une relation fusionnelle mais discrète. L’interprétation de Rébecca Mai au début du spectacle gêne un peu par son aspect un brin trop lisse face à la complexité de Barbara, chanteuse mi-sombre, mi-rieuse. Une ambivalence que l’on a du mal à saisir dans l’interprétation des chansons parfois trop maîtrisée malgré une voix magnifique. S’attaquer à un tel monument qui distille une voix forte mais brisée, toujours sur le fil, le souffle saccadé est cependant un exercice complexe.

Puis l’on rentre dans l’étape de l’élaboration des chansons, comme si nous étions quelques années en arrière avec Roland et Barbara accoudés au piano, tous deux créant leur musique en véritable artisans de leurs émotions. Romanelli explique : “Elle parlait musique en images et en couleurs. C’était beau quand elle cherchait. Mais c’était tellement beau quand elle trouvait.” Barbara veut une chanson qui raconte la pluie, avec du vent, le soir, mais un soir lumineux, pas trop triste. Après, Roland se débrouille avec tout ça et tente d’habiller de notes ce que Barbara a dans la tête. “Des gouttes de pluie qui tomberaient d’un toit désolé”. Les bandes sons de la voix de Barbara qui rythment le spectacle sont comme des perles rares. Elle fait partie de ceux qui parlent comme ça, rapidement, comme une urgence, tout en disant de merveilleuses vérités d’une poésie incroyable. “Si c’est pour être seul à deux, il vaut mieux être seul, seul”.

Le spectacle bascule lorsque Rébecca Mai chante La Solitude. Presque comme un miracle, soudain, une faille dans sa voix. Elle susurre, elle tangue et se laisse complètement posséder par l’émotion. Elle a gagné. Elle a réussi le pari fou à ce moment précis de ne pas nous tenter de la comparer à Barbara. On la suit, emportés par ce flot enchanteur. Elle est là et elle frappe à sa porte, la solitude. De chanson en chanson, ça y ‘est, on y est. La complicité entre l’accordéoniste et la chanteuse grandit au fil des anecdotes. On est ravis d’apprendre que Jacques Brel a pissé dans un piano pour forcer les types d’une salle à l’accorder. Une histoire jouissive qui aurait drôlement plu à la dame en noire qui se rend dès l’aube dans les salles où elle se produit le soir pour se mettre en condition. Roland Romanelli nous raconte l’oeil rieur sa passion pour les supermarchés dans lesquels elle aime de temps en temps voler en croyant passer inaperçue. Selon Barbara les supermarchés sont passionnants car on connait bien les villes quand on connait les objets qui se trouvent dans les Monoprix !

Roland Romanelli nous offre une partie de sa mémoire avec humilité et tendresse. L’histoire de deux passionnés au destin singulier sublimés par Rébecca Mai qui est troublante d’émotion lorsqu’elle lâche prise. On en apprend sur Barbara, qu’il décrit comme étant la femme la plus drôle qu’il ait rencontrée. On retrouve comme un vieil ami réconfortant les mélodies les plus connues de la douce pour mieux s’aventurer dans les touches invisibles du piano. Donner avec ivresse, c’est la phrase qu’on retient de Barbara et de ce spectacle qui ne fait que partager, comme si l’on était à un comptoir de bar et que ces deux saltimbanques nous racontaient leur histoire. “Elle m’a tout appris”. Barbara qui disait qu’il fallait que quelque chose se brûle tout le temps. Brûler la vie sur l’accordéon ardent.

Roland Romanelli grand bonhomme aux doigts de fée, pianiste au doigter précis et délicat, accordéoniste d’une musicalité bouleversante. Amoureux éternel qui porte surement en lui la certitude qu’il y avait un peu d’elle sur cette scène. Comme ça a commencé, le spectacle se termine par Ma plus belle histoire d’amour, interprété par une Rébecca Mai désormais transformée. “Je refaisais mes bagages, et poursuivais mon mirage, ma plus belle histoire d’amour, c’est vous.”

Visuel (c) : Photo Lot.

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Camille Hispard

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