Arts
Max Ernst ou la magie libératrice

Max Ernst ou la magie libératrice

09 May 2023 | PAR Nicolas Villodre

À l’occasion de l’exposition Max Ernst, mondes magiques, mondes libérés, qui se tient jusqu’au 8 octobre 2023 à l’Hôtel de Caumont d’Aix-en-Provence, Culturespaces et les éditions Hazan viennent de publier le catalogue officiel, sous la direction de Martina Mazzotta et Jürgen Pech, qui est aussi un beau livre d’art. 

Dada d’abord

Max Ernst (1891-1976) est une des figures marquantes de la peinture et de la sculpture du XXe siècle. Cet expérimentateur, trouveur de techniques et de formes, a transposé “dans des gestes plastiques les grands principes surréalistes du hasard, de l’automatisme et du jeu”, comme l’écrit Bruno Monnier dans la préface. Max Ernst, qui connaît Hans Arp depuis 1914, se révèle à partir de 1919 un formidable collagiste Dada qui, comme l’observe son ami cinéaste Hans Richter (cité par Martina Mazzotta), entremêle des éléments fragmentaires de la tradition “pour composer des figures spectrales : comme une vivisection des strates diaboliques de l’âme allemande”. 

Séducteur impénitent, pour ne pas dire “homme à femmes“, il partagea sa vie d’artiste avec Luise Straus, Gala Éluard (alias Elena Ivanovna Diakonova, future Mme Dalí), Marie-Berthe Aurenche, Leonora Carrington, Peggy Guggenheim et Dorothea Tanning. Jürgen Pech rappelle que c’est dès sa période Dada, à Cologne, qu’Ernst “entreprend ses premières expérimentations matérielles en trois dimensions.” Comme Schwitters, il a “recours, pour ses sculptures, à des objets issus du quotidien : morceaux de bois et bobines de fil, formes à chapeau et tasseaux deviennent des (…) figures anthropomorphes.” Il fait de ces montages, assemblages et associations de formes “un véritable principe de travail.” Dès 1919, Ernst travaille “à partir d’illustrations”, de tirages photographiques, de “surpeints”, de gravures sur bois. Cette méthode indirecte de “réinterprétations de la vision” devient sa marque de fabrique.

Surréaliste, comme c’est bizarre

Selon Martina Mazzotta, l’année 1919 est aussi celle où Max Ernst “découvre la métaphysique de Giorgio De Chirico” en lisant le périodique Valori plastici. Sa composition la plus emblématique, L’Éléphant de Célébes (1921) et son huile Pietà ou la révolution la nuit (1923) montrent l’influence du peintre pré-surréaliste – et annonce les hommes à chapeau melon de Magritte. Entré en surréalisme comme on entre en religion, il s’intéresse à l’écriture automatique, au demi-sommeil, aux visions et autres hallucinations. Surtout, il invente des techniques comme le frottage (en 1925) et le grattage (en 1926), qui fondent manière et matière et renouvellent le concept de collage. Des procédés qu’on retrouvera dans ses séries de jungles et de villes pétrifiées des années 30 auxquels s’ajouteront deux autres : le dripping, emprunté à Janet Sobel et la décalcomanie, dont usait Oscar Dominguez.

Pour Pascal Rousseau, les tableaux, les collages et les sculptures d’Ernst tiennent du romantisme – mais le surréalisme n’est-il pas un avatar de celui-ci?? Les convulsions “subliminales”, l’hypnose, l’extase, l’envoûtement, la magie noire sont autant de moyens de créativité qui intéressent très tôt les surréalistes. Une des œuvres majeures de Max Ernst est de petit format : c’est son roman-collage La Femme 100 têtes (1929) qui est d’une inquiétante étrangeté. Le motif picassien du minotaure inspire aussi Ernst dans un tableau comme Nuit d’amour (1927) ou dans ses sculptures Le Roi jouant avec la reine (1944) et Capricorne (1948). Le catalogue donne la source d’un placard publicitaire d’Ernst de 1931 vantant les “Livres et publications surréalistes”, à savoir une gravure de femme en crise convulsive parue… à l’époque de Charcot. 

Visuel : Max Ernst, Œdipus Rex, 1922, coll. particulière, catalogue, p. 81.

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Nicolas Villodre

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