Chronique de Cannes : Charlotte, Pénélope et le temps des muses
Cannes, telles des poupées, joue avec ses muses entre hommage et dérision. Les doigts fins du Festival se posent, périodiquement, sur ces figures fantasmagoriques, pour les transformer, séductrices à l’envie, en symboles, fantasmes d’une beauté incarnée. Pénélope Cruz, aux allures virginales, gainée d’une longue robe mauve, est apparue au bras de Pedro Almodovar, son réalisateur fétiche. Dans son film en compétition, « Etreintes brisées », ce dernier dépeint à travers le charme féminin et moderne de Cruz, « une métaphore de l’Espagne. » Le vibrant plaidoyer pour la défense du droit d’auteur devient une mise en abyme du réalisateur, qui se complait dans son rôle de portraitiste de femmes. Il pose fièrement devant les photographes, aux côtés de sa muse.
Moins honteux que Mussolini, incarné à l’écran par Filippo Timi, dans « Vincere. » Le réalisteur Marco Bellocchi évoque la liaison secrète du futur Duce avec Ida Dalser, mère de son fils, qu’il tenta d’effacer de son histoire. Les dernières traces de cette sulfureuse idylle inspirent un récit qui mèle sentiments scandaleux et histoire gardée jalousement secrète. Charlotte Gainsbourg, dans la même verve jouissive affiche sa fierté d’alimenter la polémique, avec son rôle sensuel et dramatique dans le film de Lars Von Trier, “Antichrist”, hué par la critique. En digne héritière de sa mère Birkin, maligne actrice aux petits seins cultes, elle brise l’Oedipe, – définitivement -, et provoque le scandale.
Ken Loach suscite lui aussi le débat, avec le film “Looking for Eric”, mais sa seule muse se prénomme Eric Cantona. Célèbre pour son engagement social, il narre avec un enthousiasme affectif l’esprit populaire du football. Souffle thérapeutique, son film rempli de nuances, donne au pitre Cantona un rôle à sa taille, et retrace les espoirs de ce monde masculin. Le temps des muses plane avec grâce sur la Croisette.
Jérémy Collado
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