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Cinemed 2022 : Ouverture sous le signe du cinéma qui fait vibrer, avec L’Immensità

Cinemed 2022 : Ouverture sous le signe du cinéma qui fait vibrer, avec L’Immensità

22 October 2022 | PAR Geoffrey Nabavian

Le Festival du Cinéma Méditerranéen a ouvert à Montpellier sa 44e édition devant une salle pleine et enthousiaste, puis captivée par la poésie d’Emanuele Crialese.

Le Festival du Cinéma Méditerranéen célèbre sa 44e édition jusqu’au 29 octobre. Avec comme chaque année, ses sections Compétition ouvertes à tous les publics, donnant à découvrir longs-métrages de fiction, documentaires et courts-métrages. A ce titre, on a pu se réjouir de voir le film du Kosovo La Ruche, lauréat de l’Antigone d’or du Festival l’an dernier, sortir dans les salles de cinéma françaises en juin 2022 grâce à ASC Distribution. Le Cinemed avait su offrir un beau coup de projecteur à cette œuvre pensée et tournée avec de la finesse et de la rage, embrassant les femmes et les guerres d’un pays dans une même étreinte, dure à faire mais salutaire. On avait eu tout le loisir d’applaudir sa réalisatrice, Blerta Basholli.

Aux côtés des sections Panorama et Avant-Premières, on trouve aussi mise l’honneur cette année au sein de la programmation la réalisatrice et actrice espagnole Iciar Bollain. En tant que cinéaste, on a pu la découvrir en France en 1999 avec Flores de otro mundo, puis Ne dis rien. Elle n’a pas cessé de se faire remarquer ensuite, avec notamment Mataharis ou Même la pluie. Son film Le Mariage de Rosa prête l’un de ses plans à l’affiche de l’édition 2022 du Festival. Edition au cours de laquelle sera présentée en avant-première sa nouvelle réalisation, Les Repentis.

La lumière est également mise sur les films de la documentariste renommée Simone Bitton. Outre Abdellatif Kechiche, qu’on ne présente plus, convié pour une masterclass, la rétrospective de cette année est consacrée à Francesco Rosi. On se réjouit aussi par ailleurs de la mise au programme d’un focus bienvenu sur la nouvelle génération du cinéma géorgien avec rencontre avec les artistes organisée le 25 octobre.

Salle comble pour l’Ouverture

Le soir du 21 octobre, alors que le Festival s’ouvre, les questionnements actuels quant à la fréquentation basse des salles sont évoqués. Après avoir salué la jeune génération, représentée notamment ce soir-là par les élèves des lycées de la région ayant pour certains une option Cinéma, venus avec leur enthousiasme, Christophe Leparc le directeur du Cinemed en appelle au rôle essentiel du septième art. Il fait pour cela référence à Iciar Bollain, invitée cette année. Son film Ne dis rien, sorti en 2003, a eu le courage de s’attaquer à la violence conjugale, “sujet tabou alors dans le cinéma espagnol et a permis de commencer à “faire bouger les choses par rapport à ce grave problème en Espagne“.

La chargée de programmation Géraldine Laporte remercie elle les structures publiques et autres partenaires sans lesquels le Festival ne pourrait avoir lieu, rappelant qu’il reste un événement précieux du fait de la fenêtre qu’il offre sur d’autres cultures, et qu’il doit continuer à être soutenu. Enfin, c’est au tour du réalisateur italien Emanuele Crialese de monter sur scène pour venir donner le coup d’envoi de cette édition. Ebloui par la salle toute remplie, il demande à ce qu’on la rallume, et que le public prenne ses plus belles poses afin qu’une photo soit prise. Son caractère chaleureux et naturel transporte.

L’immensità et sa poésie vraie

Ce soir, Emanuele Crialese est donc le signataire du film d’Ouverture du Cinemed : il livre avec le très attendu L’immensità une œuvre dont la plus belle qualité est la poésie. Pour évoquer une famille dans l’Italie des années 70, et le climat machiste qui l’oppresse, personnifié par le père, il a recours à une forme où cohabitent une foule de procédés. Numéros chorégraphiques (imaginés par Blanca Li), couleurs éclatantes à l’écran, changements de photographie, séquences de jeux d’enfants entre rêve et cocasserie… Esthétiquement, son film est splendide. Mais là où tant d’autres se regardent essayer de faire de l’esthétisme, Crialese utilise les multiples outils du cinéma pour traduire des impressions, et ce faisant insuffle de la vraie poésie dans ses images. On peut saluer le magnifique travail du directeur photo Gergely Poharnok, qui à ce titre parvient à faire se tenir les plans en équilibre entre réalisme cru et poésie triste.

C’est un film qui invite dans son récit des événements inattendus, mais qui garde aussi une forme de balade, d’avancée un peu au hasard, à l’image de ce que traversent les trois enfants de la famille décrite. Une fois le cadre posé, et les enjeux clairs, le scénario suit en grande partie ces protagonistes découvrant le monde. D’une part, les scènes données à voir sont pensées avec finesse, ne soulignant rien. D’autre part, on aime voir ainsi traduite en images cette perception de l’univers à hauteur d’enfant ou de pré-adolescent. On se surprend à trouver le ton du film assez grave, comme si ces jeunes avaient d’ores et déjà en eux la conscience juste d’une foule de choses.

Si Penélope Cruz est encore une fois magnifique, en femme trompée et maltraitée, on remarque surtout Filippo Pucillo, dans le rôle de la fille aînée de la fratrie qui se sent garçon dans sa tête. L’interprète éblouit par son charisme et sa force, par sa sensibilité et son jeu physique : on suit sa révolte, son absence de peur face au monde… On reste accroché à son caractère très forte tête, jamais gratuit, luttant pour s’imposer mais avec justesse. Il est à l’image de l’une des facettes du film  : droit face à l’adversité parfois dure, et solaire aussi d’un certain côté. Au final, lorsque tombe le générique, les lycéens demeurés captivés applaudissent Emanuele Crialese comme une rockstar.

Le Cinemed 2022 se poursuit jusqu’au 29 octobre. Informations et réservations : https://bit.ly/2oTjnAR

 

Visuel 1 : affiche de l’édition 2022 du Cinemed

Visuel 2 : © Geoffrey Nabavian

Visuel 3 : affiche italienne de L’immensità

Racine carrée du verbe être, de Wajdi Mouawad
Fondation Pernod Ricard 23ème prix
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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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