
Une place à prendre de J.K Rowling: une satire féroce des rapports humains
Après la saga Harry Potter, lue par plus de 400 millions de lecteurs à travers le monde et traduit dans près de 70 langues, il n’était pas chose aisée pour l’écrivain anglais J.K Rowling de poursuivre son métier sans décevoir. Quittant pour un temps le monde de l’enfance, elle nous offre un nouveau roman surprenant, bien ficelé, qui regarde à la loupe l’être humain dans ce qu’il a de plus sombre et de plus risible.
C’est dans la petite bourgade anglaise de Pagford que J.K Rowling nous entraîne. Alors qu’un des notables siégeant au Conseil Paroissial décède brutalement, chacun comprend très vite qu’il y a une place à prendre…Entre les amis de feu Barry Fairbrother, qui s’est toujours battu pour les plus démunis peuplant la cité voisine des Champs et ceux qui soutiennent Howard Mollison, vieux conservateur et Président du Conseil qui rêve de préserver la ville de tous ces parias, la guerre est déclarée. Sur fond de querelle politique, la lutte va vite prendre des allures de guerre civile. Divisée entre les deux camps rivaux, Pagford va devenir un véritable champ de bataille, le théâtre de toutes les bassesses dont l’être humain peut-être capable pour arriver à ses fins.
Face à ces adultes, on découvre tout un monde d’adolescents coincés entre cette querelle qui les dépasse et leurs propres angoisses. Regardant leurs parents sombrer dans la paranoïa ou l’hystérie, précipitant parfois leur chute avec mépris et satisfaction, ils sont aussi les premières victimes de cette lutte sans merci. Mettant en parallèle ces deux générations qui se côtoient mais ne se connaissent pas, J.K Rowling écrit aussi sur la famille et sur ses fonctionnements. Entre amour et luttes intestines, les familles de Pagford sont le reflet de la société qui les entoure.
Personnages hauts en couleur, adultes et adolescents se battent tous avec leurs propres démons. Au travers de Fats, jeune homme marginal de 16 ans, J.K Rowling s’interroge sur la façon de rester « authentique » face à soi-même dans un contexte hostile. Une authenticité que l’on gagne parfois en grandissant mais que l’on perd aussi brutalement lorsque la réalité nous rattrape. Et lorsque celle-ci est d’une violence que personne n’avait imaginé, elle apaise étrangement toutes les rancoeurs…
Comme dans ses précédents romans, l’auteur s’attache particulièrement à ce qui se cache à l’intérieur de ses personnages, à leurs sentiments les plus intimes et aux batailles incessantes qu’ils se livrent avec eux-mêmes. Comment chacun s’accommode des autres et de ses propres blessures?
J.K Rowling met la ville de Pagford sous microscope et dissèque avec précision toutes les passions humaines. Malgré plusieurs stéréotypes agaçants qui évoquent parfois les séries B, on se prend finalement au jeu des secrets et des intrigues. Si l’écriture n’a rien de notable, elle est honnête. Avec un style franc et bien rythmé, elle réussit à nous faire plonger au cœur de tous ces êtres à la dérive.
Une place à prendre, J.K Rowling. Editions Grasset. Septembre 2012. 679p. 24€.