
Le détour de Gerbrand Bakker: dernières errances avant l’oubli
Gerbrand Bakker est né en 1962. Après des études de lettres à Amsterdam, il a exercé différents métiers avant de devenir écrivain. Là-haut, tout est calme, son premier roman, a été le phénomène éditorial de l’année 2006 aux Pays-Bas avec des ventes dépassant les 70000 exemplaires. Ce roman l’a fait connaître non seulement dans son pays mais a été un grand succès dans toute l’Europe. En France, il a notamment reçu le prix Millepages. Depuis, il a été traduit avec succès dans de très nombreux pays. Le détour, son deuxième roman vient d’être publié aux éditions Gallimard. Un livre poignant sur le renoncement et la solitude.
Disparaissant du jour au lendemain, quittant son pays et les siens, une femme entre deux âges décide de partir subitement pour vivre seule, loin de tous. Louant une vieille bâtisse au fin fond du Pays de Galles et apportant dans son sac les oeuvres d’Emily Dickinson sur lesquelles elle travaille pour sa thèse, celle qui s’appelle elle-même « Emily » s’enferme dans l’isolement. Mais que fuit-elle ? Qu’est-elle venue chercher dans ce trou perdu ?
Découvrant la nature qui l’entoure, Emily passe ses journées au contact de la terre, travaillant avec ses mains, comme pour mieux oublier ses angoisses. Ramasser du bois, retourner la terre, tailler les arbres, voilà de quoi sont faites ses journées. Malgré l’hiver qui approche et la rudesse du travail, elle ne baisse pas les bras et s’attelle consciencieusement à passer les heures. Dans le silence et la solitude, elle découvre un monde inconnu et parfois hostile auquel elle va devoir s’adapter. Fumant cigarette sur cigarette, elle s’occupe : construire un enclos pour les oies, faire un jardin… Mais y-a-il un but à tout cela ? Ou est-ce une façon de ne plus penser à soi?
Cette solitude rigoureusement assumée va se trouver menacée par l’arrivée du jeune Bradwen, adolescent en errance. Ne parlant pas la même langue, communicant en silence, ces deux êtres, dont on ne sait pas grand-chose, vont nouer une relation de plus en plus intense. Emily, attirée malgré elle par la beauté de la jeunesse, un attrait qui lui a déjà valu un scandale à l’université où elle travaillait, va devoir se battre pour résister à cette dernière épreuve. Comment garder le contrôle et faire ses propres choix lorsque tout s’échappe ?
L’écriture de Gerbrand Bakker est précise, ciselée et réglée comme un mécanisme d’horlogerie. Minutieusement, un peu comme on pratiquerait une autopsie au scalpel, l’auteur nous raconte la solitude pas à pas, mouvement par mouvement, au rythme du souffle d’Emilie. C’est touchant, profondément triste et apaisant aussi. Le détour est un roman très réussi qui nous questionne sur nos rapports aux autres et sur la futilité de l’existence. Gerbrand Bakker nous emmène dans les profondeurs de l’âme humaine. Un troublant voyage à sens unique.
Le détour de Gerbrand Bakker – Traduit du néerlandais par Bertrand Abraham.
Editions Gallimard- Février 2013. 257p. Prix: 19,90€