Fictions
« Une bête au paradis » de Cécile Coulon : La petite maison dans la prairie

« Une bête au paradis » de Cécile Coulon : La petite maison dans la prairie

29 August 2019 | PAR Julien Coquet

A la campagne, dans une France indéterminée, une jeune fille recueillie par sa grand-mère tombe amoureuse d’un garçon. Mais celui-ci compte bien quitter cette campagne qui ne peut accueillir ses rêves de grandeur.

La littérature française s’intéresse au monde rural. Après le magistral, et extrêmement noir, Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo, Cécile Coulon, dont c’est là le sixième livre, propose un roman centré sur le monde paysan. Deux mondes s’opposent dans ce livre : la campagne et la ville. D’ailleurs, celles-ci ne seront jamais clairement nommées, et l’on pourrait être aussi bien en Normandie que dans la Drôme. Cécile Coulon avait d’ailleurs le projet de s’intéresser aux espaces et à la façon dont les hommes les peuplent. La ferme Le Paradis, aussi grande soit-elle, est un lieu fermé et clos : difficile d’en sortir puisque les terres s’héritent de femme en femme. Malgré toutes les beautés de la nature que renferment les champs, Le Paradis possède ses propres limites.

Emilienne, grand-mère, a mis toutes ses forces et toute sa vie pour faire du Paradis un lieu agréable à vivre et suffisant pour assurer des revenus stables aux deux enfants qu’elle élève seule. A la mort des parents de Blanche et Gabriel dans un accident de voiture, Emilienne s’est retrouvée avec deux bouches à nourrir. Puis une troisième : Louis, maltraité par son père, qui demande asile à Emilienne en échange du travail de son corps et de ses mains. Les saisons passent et les enfants deviennent des adolescents : Blanche connaît son premier amour, Alexandre. Le garçon que tout le monde connaît au village, qui brille par son intelligence et sa gentillesse. Mais Alexandre a la soif de partir et se sent, à la campagne, loin du destin auquel il aspire.

Roman profondément humain, Une bête au paradis fait le pari de la fable pour mieux conter notre rapport au monde et nos désirs parfois inconciliables. Chacun est mu par sa passion : Emilienne tient à sa ferme et à sa terre, Louis à Blanche, Blanche à Alexandre et Alexandre à la réussite. Tout ne peut que s’entrechoquer et provoquer des étincelles. Cécile Coulon évoque Chabrol pour la construction de son récit : alors que le cinéaste s’intéressait à la bourgeoisie de province, l’auteure préfère le monde paysan, tout en installant une tension qui monte peu à peu et en auscultant avec brio les rapports humains.

« En classe, il travaillait bien sans être le meilleur, parce qu’il n’était pas aussi intelligent que les mères le disaient, elles confondaient politesse et finesse, gentillesse et bon sens. Alexandre travaillait dur mais ne finissait pas premier de sa classe, ni en primaire, ni au collège. Il se hissait à la neuvième place du classement, jamais plus haut. Qu’importe, il faisait partie du premier tiers des élèves. Ses parents étaient presque épatés que ce fils s’en sorte si bien , il ne leur avait pas traversé l’esprit que ce petit puisse être meilleur que d’autres, alors qu’eux avaient toujours été moins bons que tout le monde. Ils le laissaient tranquille. Sa mère lui préparait le petit déjeuner. Quand il se levait, sur la table un bol et une cuillère sur un torchon plié en quatre l’attendaient. Le soir, ils mangeaient ensemble, Alexandre annonçait qu’il avait eu une bonne note, le père disait « C’est bien », et quand il avouait une mauvaise note, la mère disait « Tu feras mieux la prochaine fois ». »

Une bête au paradis, Cécile Coulon, L’Iconoclaste, 352 pages, 18 €

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