“Treize nouvelles vaudou” : Gary Victor nous guide avec simplicité dans les méandres du fantastique haïtien

Les éditions Mémoire d’encrier sortent en France une édition de poche de Treize nouvelles vaudou de Gary Victor. Un recueil qui nous guide avec simplicité dans les méandres du fantastique haïtien.

Un fantastique haïtien

Gary Victor est l’un des auteurs haïtiens les plus lus en Haïti. Fils d’un sociologue, il met en scène dans ses nouvelles des personnages écartelés entre leur éducation rationaliste et les réalités vaudou. 

La réussite principale de ses nouvelles est en effet de nous embarquer dans le monde des lwa sans céder à l’exotisme. Ses personnages sont des personnes instruites et les situations des événements ordinaires de la vie quotidienne. C’est dans les interstices de l’inexplicable que surgit le surréel vaudou. Ainsi en est-il du meurtre toujours non élucidé qui ouvre le recueil (“Pilon”) ou de la guérison miraculeuse de “Danse vénézuélienne”.

Ce jeu avec l’incertitude comme porte d’entrée dans le mystère vaudou fait volontiers penser aux contes fantastiques d’un Poe ou d’un Maupassant. Comme les auteurs américain et français, Gary Victor nous invite à suspendre notre jugement et laisse planer le doute : la réponse à l’impossible est-elle du côté du magique ou du rationnel ? Comme chez ses prédécesseurs, c’est au lecteur et à la lectrice de choisir.

Entre humour et ironie

Cette suspension du jugement repose sur un canevas bien défini, qui oriente la nouvelle tout entière vers sa chute. Le choix du lexique s’inscrit dans cette poétique : les adjectifs et métaphores donnent à qui lit avec attention quelques indices de la résolution. La progression de l’action flirte toutefois volontiers avec l’ironie, nous entraînant parfois vers une conclusion inattendue sinon absurde, à la manière des nouvelles de Roald Dahl (on pensera notamment à “Lamb to the slaughter” comme pastiche à peine caché de “Le Mouton”).

Outre cette ironie de situation, ces courtes nouvelles sont l’occasion, avec un air de pas-y-toucher, de se livrer à un humour aux accents satiriques. Les prétentions intellectuelles des uns et les ambitions politiques des autres sont ainsi brossées avec un pinceau trempé dans l’acide.

Le recueil est préfacé par Alain Mabanckou.

Treize nouvelles vaudou, Gary Victor, Mémoire d’encrier, coll. “Legba”, 168 pages, 12€

Visuel : couverture