
“Le coeur synthétique”, portrait d’une monade quadragénaire par Chloé Delaume
Toujours dérangeante, la talentueuse Chloé Delaume (lire nos critiques) est de retour au Seuil pour la rentrée 2020. Portrait d”un coeur simple”, une femme célibataire de 46 ans à la recherche de l’amour, ce petit livre caustique est fignolé à l’acide.
A 46 ans, Adélaïde quitte son compagnon Elias : elle ne l’aime plus. Fièrement, cette attachée de presse efficace dans une grande maison d’édition parisienne renonce au confort pour emménager dans 35 m2 dans le Nord-Est. Elle a une semaine pour déménager au coeur de l’été avant de se remettre à travailler pour les auteurs qu’elle porte pendant la Rentrée littéraire. Mais l’idéaliste de 46 ans n’en a plus 26 et son idéal d’amour pour un homme sexy, anguleux, cultivé au nom russe, sans enfant et qui n’en veut pas ne court pas les rues, ni les signatures de livres. Alors Adélaide mange des chips, obtient des plateaux télé, rêve et compte sur ses trois meilleures amies pour pallier la solitude.
Avec toujours l’effet miroir dans les textes de cette auteure adepte du jeu de piste de l’autofiction, ce roman à la troisième personne dresse un portrait tout simple. Mais le style enlevé, l’ironie, la structure très référencée et la fausse naïveté du regard posé sur l’éternelle adolescente égoïste relèvent ce roman pour lui donner un petit aspect “poil à gratter” tout à fait stimulant. Sans parler bien sur de la satire mesurée du monde de l’édition parisienne. La parodie va d’ailleurs jusqu’à doubler le livre (sous un autre titre) au coeur du roman… Une version moderne du Coeur simple de Flaubert avec une Félicité plus dégourdie mais tout aussi fermée sur elle-même…
Chloé Delaume, Le Coeur synthétique, Le Seuil, 208 p. 18 euros, sortie le 20 août 2020.
visuel : couverture du livre