
“Le cœur qui tourne”, de Donal Ryan : un poignant roman choral sur fond de crise irlandaise
Bobby. Josie. Lily. Vasya. Réaltín. Timmy. Brian. Trevor. Bridie. Jason. Hillary. Seanie. Kate. Lloyd. Rory. Millicent. Denis. Mags. Jim. Frank. Triona. Un chapitre, un narrateur : tous les protagonistes de Le cœur qui tourne se relaient sous la plume de Donal Ryan pour raconter une histoire somme toute assez banale : celle d’un village irlandais frappé par la crise, d’un promoteur immobilier enfui après sa faillite, d’un homme accusé d’un patricide qu’il n’a peut-être pas commis… des petites histoires qui, peu à peu, racontent la grande, celle d’un pays à genou.
Le roman tourne autour du premier narrateur, Bobby Mahon, fier et brave, que tout le monde respecte. Et puis il y a sa femme, Triona la belle, Frank, son père au cœur de pierre, ses anciens collègues, au chômage, comme lui, depuis que le promoteur véreux qui les employait s’est enfui avec la caisse sans avoir livré les maisons qu’il construisait…. et tous les autres. Qui, chapitre après chapitre, tissent une fresque humaine et sociale poignante, servie par une écriture juste et sensible. On pense à Faulkner, bien sûr, et son Tandis que j’agonise.
Le cœur qui tourne est le premier roman de Donal Ryan, et l’on salue déjà la maîtrise narrative de cet auteur qui impressionne : chaque chapitre donne à entendre la voix particulière d’un personnage, marqué par son passé, ses douleurs et ses espoirs. Sans pour autant que la composition chorale du roman ne nuise à la cohésion de l’ensemble : car cette histoire d’échecs et de déception, c’est celle d’un pays qui parvient à parler d’une seule voix pour chanter sa détresse. Et son espoir aussi, note finale que Ryan a choisi de donner à son roman, malgré tout le reste… Bouleversant.
Le cœur qui tourne, de Donal Ryan. Traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso. Éditions Albin Michel. Paru en mars 2015. 224 p. Prix : 18 €.