Fictions
“Le chant des revenants”, par Jesmyn Ward

“Le chant des revenants”, par Jesmyn Ward

12 April 2019 | PAR Jean-Marie Chamouard

A travers l’histoire d’une famille de fermiers noirs dans le Mississipi, Jesmyn Ward aborde de manière romanesque la dure condition des afro américains. A lire chez Belfond. 

Le récit se situe dans le Mississipi rural, dans une petite ferme appartenant à une famille noire. Jojo est un garçon de 13 ans élevé par ses grands parents. Sa mamie est malade mais son Papy, River, est son guide et son soutien. Papy est un grand conteur qui lui révèle ses racines. Il lui raconte son séjour au redoutable pénitencier de Parchmann dans sa jeunesse. Il avait alors pris sous sa protection le jeune Richie. Jojo prend soin de sa petite sœur Michaela qu’il appelle Kayla. La mère, Léonie, toxicomane, est peu présente et le père, Michael, qui lui est blanc, est incarcéré à Parchman. C’est une prison à ciel ouvert, une gigantesque exploitation agricole où depuis des générations, travaillent les détenus. Léonie voit régulièrement apparaitre son frère Given qui a été lynché adolescent. Lorsqu’elle apprend la libération imminente de Michael elle décide d’aller le chercher avec ses deux enfants. Le voyage est surréaliste avec les adultes défaillants, les enfants solidaires et les « revenants ». C’est à ce moment là que Richie apparait pour la première fois à Jojo. Le fantôme de Richie veut rencontrer River car seule la compréhension du secret de sa mort pourrait libérer son âme errante. Le retour à la ferme est très difficile avec la rupture entre Michael et son père, le décès de Mamie et la fuite de Léonie.

Jesmyn Ward est une écrivaine américaine de 41 ans. Elle est née et elle vit dans le Mississipi. Elle a été lauréate à deux reprises du National Book Award. Le roman alterne les points de vue de Léonie de Jojo et de Richie. Le récit est à la fois romanesque et réaliste, l’écriture foisonnante et poétique. Les descriptions rendent la misère et l’angoisse palpables. Le roman est ancré dans la réalité de ce coin du sud des Etats unis qui pourrait rappeler Faulkner au lecteur. La dure condition des afro américains est centrale dans ce livre. Le racisme brutal et la haine du beau-père « Big Joseph » et le meurtre raciste de Given en sont les manifestations les plus violentes. L’ombre du pénitencier de Parchman est omniprésente. Ce pénitencier est un lieu où les souffrances ne passent jamais et où il ne peut y avoir de rédemption. Richie le revenant ne peut pas s’en libérer. L’oiseau à écailles noires qui survole la prison est le symbole du mal et de la mort. La dureté des rapports humains concerne aussi les relations entre les parents et leurs enfants La tendresse et l’amour sont par contre présentes dans le roman, entre Jojo et sa petite sœur et entre Jojo et son grand père. Léonie n’arrive pas être vraiment mère et elle en souffre, ce qui la rend pathétique et émouvante. Au dessus de ce réel pesant, flotte le surnaturel avec les apparitions récurrentes de Given puis de Richie. Après le décès de Mamie, le surnaturel s’enracine dans le récit illustré par l’arbre à fantômes, fantômes que seul le chant de la petite Kayla pourra apaiser. Le roman se termine ainsi sur une fragile note d’espoir.

Jesmyn Ward a écrit une histoire familiale poignante dans laquelle le réalisme côtoie le fantastique, pour le plus grand plaisir du lecteur.

Jesmyn Ward, Le chant des revenants, Belfond, 270 pages, 21 Euros, sortie en Février 2019.

visuel : couverture du livre

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Jean-Marie Chamouard

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