Fictions
Chez Folio, faire la fête à Paris dans l’entre-deux-guerres : Ernest Hemingway et Henry Miller

Chez Folio, faire la fête à Paris dans l’entre-deux-guerres : Ernest Hemingway et Henry Miller

05 February 2023 | PAR Julien Coquet

La réédition de deux œuvres cultes de la littérature américaine chez Folio, toutes deux se passant à Paris dans les années 1920 et 1930, nous a donné l’envie de nous replonger dans ces textes.

L’entrée dans le domaine public du premier roman d’Ernest Hemingway a conduit Folio à rééditer Le Soleil se lève aussi. Dans les années 1920, à Paris, Jake Barnes, narrateur et journaliste américain, passe son temps à faire la fête, entre deux articles. Accompagné de ses amis Robert Cohn et Michael Campbell et de Lady Ashley, dont il est toujours amoureux, Jake, après avoir bien festoyé à Paris, se rend en Espagne pour pêcher et participer aux fêtes de Pampelune. A lire ce roman, on en revient à se demander par quelle grâce Hemingway a pu obtenir le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre en 1954. Si la peinture d’une certaine époque peut intéresser, le fond du roman ennuie profondément, le même ennui qui gagne ces expatriés américains étrangers dans un pays dont ils ne parlent pas la langue : « Tu es un expatrié. Tu as perdu contact avec le sol. Tu deviens précieux. De faux standards européens t’ont gâté. Tu te tues à force de boire. Tu te laisses obséder par le sexe. Tu passes ton temps à parler au lieu de travailler. Tu es un expatrié, tu comprends ? Tu traînes dans tous les cafés. » L’histoire n’avance pas, et les frivolités de Lady Ashley fatiguent. Le plus énervant dans ce roman (que nous n’avons pas apprécié, vous l’aurez remarqué) reste le « style » d’Hemingway, constitué principalement de dialogues soporifiques et d’une structure sujet – verbe – complément répétée ad nauseam s’appuyant sur des détails inutiles (« le café était bon et nous le bûmes dans de grands bols. La servante apporta de la confiture de framboise sur une assiette en verre. »). N’oublions pas non plus la traduction de Maurice-Edgar Coindreau qui a pris un coup de vieux : « – Entrez. Je me baignais. – Quel heureux homme ! Un bain ! – Ce n’était qu’une douche. »

L’autre roman réédité par Folio est d’un tout autre calibre, et passionne beaucoup plus, sentant toujours autant l’alcool, mais avec des effluves de sexe en plus. Publié d’abord en France car interdit aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, Tropique du Cancer se présente comme un roman autobiographique sur la vie parisienne d’un Henry Miller désargenté. Le livre dynamite à la fois le rapport au sexe (ici pas de sensualité, mais du sexe seulement) et le rapport au langage (« Ce n’est pas un livre. C’est un libelle, c’est de la diffamation, de la calomnie. »). Taxé de misogynie, le livre se penche sur l’arrivée de Miller en Europe en 1928, et sur ses amis (Alfred Perlès, Lawrence Durrell, Reichel, Brassaï, Anaïs Nin). Personnage à la fois adorable et détestable, le cas Miller désarçonne toujours, le livre alternant les réflexions sur la vie et les moments d’une grande crudité (il y a un côté très terre-à-terre chez Miller, tant parfois l’écrivain est tenaillé par la faim). Si le roman (autobiographie ? Essai philosophique ?) se révèle parfois compliqué à lire à cause des tours et détours que prend Miller, Tropique du Cancer continue de fasciner.

Extrait de Tropique du Cancer :
« Cette vie, qui, si j’étais un homme ayant encore de l’honneur, de l’orgueil, de l’ambition et ainsi de suite, m’apparaîtrait comme le dernier échelon de la dégradation, je l’accueille avec joie maintenant, comme un malade accueille la mort. C’est une réalité négative, juste comme la mort – une espèce de paradis dans la souffrance et la terreur de la mort. Dans ce monde chthonien la seule chose d’importance est l’orthographe et la ponctuation. »

Le Soleil se lève aussi, Ernest HEMINGWAY, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Maurice-Edgar Coindreau, Folio, 352 pages, 8,70 €
Tropique du Cancer, Henry MILLER, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Henri Fluchère, Folio, 480 pages, 10,90 €

Visuel : Couverture de Tropique du Cancer

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Julien Coquet

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