Essais
“La Foire aux vanités” de Gérard Lefort : Folies du Festival de Cannes

“La Foire aux vanités” de Gérard Lefort : Folies du Festival de Cannes

13 September 2019 | PAR Julien Coquet

Critique à Libération pendant de nombreuses années, Gérard Lefort revient sur le mythique festival de Cannes : comment les journalistes se préparent à cet événement hors norme ?

Quiconque a déjà eu la chance de se rendre au Festival de Cannes sait à quel point on peut être tiraillé. Se lever à 6h pour aller voir le dernier film ouzbèke dont tout le monde parle mais qui dure trois heures (et en noir et blanc) ? Ou plutôt continuer à dormir et se réserver pour une soirée où on est susceptible de croiser tout le gratin du cinéma international ? Gérard Lefort tranche: on peut très bien faire les deux ! Ce tiraillement des extrêmes produit assurément le chaos, la confusion, l’hystérie. Cannes, vu de l’extérieur, est toujours un paradis mais, de l’intérieur, peut être vécu comme un enfer.

Gérard Lefort décrit très bien cette communauté de journalistes en quête de chefs-d’œuvre qui révolutionneront le cinéma d’auteur et dont tout le monde parlera. Pour autant, l’auteur est bien conscient de l’écart qui peut exister entre critique et public : “Certes le public a toujours raison, mais il est bien le seul” (et inversement pour la critique). Finalement, de critique cinéma, il est bien peu question dans cette Foire aux vanités. Gérard Lefort s’intéresse plutôt au quotidien du festival : comment se sustenter ? Faut-il formir pendant les films ? Les critiques doivent-elles vraiment être livrées à temps requis pour la rédaction parisienne ? Doit-on rester sobre dans le cadre de l’exercice de ses fonctions ?

Les anecdotes pleuvent, et c’est là tout le bonheur de cette Foire aux vanités : rencontre avec Clint Eastwood, nuits de folie accompagnées de beuveries sévères, Ailes du désir léthargiques, “accident” Lars von Trier lors du Festival de 2011… Avec ce style journalistique plein de jeux de mots, ces clins d’œil qui pourront en agacer plus d’un, et cette folie furieuse de raconter un des événements les plus médiatiques au monde, Gérard Lefort nous donne envie de vivre cette parenthèse affreuse et enchantée.

8h30 : la lumière s’éteint, le film commence. Par le long plan d’une paupière clignant au ralenti. L’effet hypnotique est immédiat. Marie pique du nez, Olivier et Edouard se transforment l’un l’autre en oreillers. Je suis prêt à les rejoindre au dortoir lorsque soudain, rendu furieux par cette désertion, je décide l’inverse : calé sur le bord de mon fauteuil pour tomber par terre si je m’endors, une réserve d’allumettes à paupières à portée, je me mets à scruter Les Ailes les yeux plus qu’ouverts. Dans un état proche du LSD sans LSD. Quand les lumières se rallument, Marie a déserté depuis longtemps et Olivier se réveille en s’étirant de bonheur : “J’ai beaucoup aimé, surtout le générique du début”. Je sors de la salle en pétard et me réfugie au bureau pour y écrire le papier sur Les Ailes du désir, dans un état second très inspirant.

La Foire aux vanités, Gérard Lefort, Hors Collection, 320 pages, 19 €

Mondrian Figuratif au Musée Marmottan-Monet
L’agenda du week-end du 13 septembre
Julien Coquet

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