
“Désubériser” : Réflexions et bonnes pratiques pour des plateformes d’emploi plus saines
Dans la veine de l’étude lancée par le think tank #leplusimportant en 2018 (lire notre article), Florian Forestier, Franck Bonot, Odile Chagny et Mathias Dufour signent l’ouvrage Désubériser. Un mot d’ordre qui semble encore plus impératif à l’heure de la crise du COVID19.
Premier titre de la collection “Les Nouveaux possibles” aux éditions du Faubourg, Désubériser résonne comme un remède au phénomène que Maurice Lévy, le patron de Publicis, appelait ” l’ubérisation” dès 2014. Un phénomène que l’on peut aussi nommer “plateformisation” et qui comprend aussi bien Uber, que Deliveroo, Blablacar, Amazon, Mechanical Turk ou SuperMano. La grande question posée par ces plateformes est la remise en cause du salariat : sous couvert de libéralisation et d’autonomie des travailleurs, le dumping social et l’évitement des charges sociales révolutionnent le marché du travail et notre société, creusant toujours plus les inégalités.
Les travailleurs des plateformes et leur dépendance
Alors que des études récentes montrent que les travailleurs indépendants de plateformes comme Uber ou Deliveroo en font de plus en plus un métier, l’essai, dans le droit fil des Nouveaux travailleurs des applis de Sarah Abdelnour et Dominique Méda (PUF, 2017) ou du rapport du Cese sur les travailleurs des plateformes numériques (2019, consulter le rapport) montre qu’il y a bien une asymétrie entre les travailleurs et les plateformes. Avec un vrai risque de dépendance économique que le confinement a éclairé d’une lumière encore plus vive ! Restituant le classement Nick Srnieck (2018) sur la typologie de ces plateformes et réfléchissant sur la place et le rôle des États et du secteur public, notamment en France où l’arrêt de la Cour de cassation du 4 mars dernier a requalifié le contrat commercial d’un chauffeur Uber en CDI, Désubériser donne des chiffres précis.
Pas de paranoïa
Cet essai cite des enquêtes signées Laetitia Dablanc, Jean Tirole ou Antonio Casilli, pour éviter l’effet paranoïa. À l’heure actuelle dans notre pays, le salariat est encore la norme et la disruption numérique ne va pas éradiquer l’emploi, selon ces enquêtes récentes. Néanmoins, une vraie précarisation des livreurs, chauffeurs mais aussi graphistes ou artisans se réunissant en plateformes est en cours. Sans prôner un retour au salariat “classique” ou ériger les épigones d’Uber en monstres absolus, l’étude cite une série de bonnes pratiques (coopératives avérées, rôle des villes intelligentes dans la promotion d’applications… ) pour réinsérer un peu de social et de sécurité dans la jungle des plateformes.
Dans la forme : la structure est claire, le déroulé facile à suivre, les points d’apartés en encadrés très utiles ; on apprécie les chiffres et enquêtes citées. On aurait peut-être aimé plus de cas concrets de désuberisations en cours, en essai ou avérées ainsi que – mais c’est peut-être encore trop “à chaud” une prise en compte de ce que la crise du COVID révèle sur les travailleurs des plateformes.
Florian Forestier, Franck Bonot, Odile Chagny et Mathias Dufour, Désubériser, Reprendre le contrôle, Editons du Faubourg, 128 p., Parution le 28 mai 2020, 12,90 euros en librairies, 7,99 euros en numérique.
visuel : couverture du livre.
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