
“Bellissima” : le retour en enfance de Simonetta Greggio
Après Dolce Vita et Les Nouveaux Monstres, l’autrice italienne Simonetta Greggio publie aux Editions Stock Bellissima, un nouveau récit de l’Italie contemporaine, qui empreinte lui aussi son titre à un grand film italien. Cette fois-ci s’ajoute à l’histoire de son pays sa propre histoire, celle de sa mère, de son père, de sa douleur, des violences de son passé.
Il y a des années maintenant, Simonetta Greggio, alors jeune femme, a quitté son Italie natale pour s’installer en France, un aller sans retour, un voyage comme une fuite en avant pour sauver sa peau et son esprit, laissant derrière d’elle des petits frères dont elle regrettera chaque jour la distance. Des dizaines d’années plus tard, la gamine devenue autrice accomplie se tourne vers les démons de sa jeunesse, inévitablement liés à ceux qui ont gangrénés son pays.
Le miracle de la vie
Au sommaire de ce nouvel ouvrage, un récit plus personnel que d’ordinaire donc, un plongeon dans les souvenirs de cette petite fille née d’une mère juive miraculeusement sauvée de la déportation par un couple de “lointains parents”, Gino et Ida, assez conciliants avec le régime fasciste mais pas suffisamment pour ne pas sauver un bébé aux portes de la mort. La langue que Simonetta Greggio emploie pour raconter ceci et le reste est semble-t-il un brin nostalgique, non dénué de regrets, mais aussi de colère évidente.
Elle confie, d’abord à demi mot puis plus franchement, les violences sexuelles dont elle a été la victime, affirmant que “ce qui m’est arrivé – ce qui arrive à toutes les fillettes du monde -, le monde fait mine de ne pas le voir, nous faisons, tous, comme si de rien était.” Si d’ordinaire, elle affronte de face les histoires de son pays, elle affronte ici les siennes propres, avec la même ferveur qu’on lui connaît d’ordinaire.
L’Italie monstre
Car depuis toujours, Simonetta Greggio ne fait pas dans la concession. Ici de nouveau, la langue est franche et les positions assurées. Elle n’a pas peur. Quand vient le tour de son pays, “un pays qui n’a pas fait les comptes avec le fascisme dont il fut l’inventeur”, elle règle ses comptes avec la corruption, les politiques véreuses, la mafia qui s’infiltre jusque dans les foyers de ceux qui flirtent avec elle. Elle règle ses comptes avec son père.
C’est un livre très fort qui prend par moment le lecteur par le col, le forçant à regarder, les yeux grands ouverts, les colères légitimes d’une jeune fille malmenée par la vie, par sa propre famille, par son propre pays. Un livre qui se lit comme un roman mais qui n’en est pas un. Un livre que l’on referme en se disant que la vie n’est pas toujours tendre mais que heureusement, les fêlés laissent toujours passer la lumière. Et ce livre a indéniablement de la lumière en lui.
Bellissima a d’ailleurs séduit le jury du Prix Interaillié puisqu’il figure sur la liste des douze premiers ouvrages en lice.
Bellissima, Simonetta Greggio, Editions Stock, Collection La Bleue, 288 pages, 20€