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Souvenirs des montagnes au loin : Les dessins consolateurs d’Orhan Pamuk

Souvenirs des montagnes au loin : Les dessins consolateurs d’Orhan Pamuk

03 November 2022 | PAR Jean-Marie Chamouard

Dans Souvenirs des montagnes au loin Orhan Pamuk publie certains des textes et des dessins, contenus dans ses carnets intimes, écrits entre 2009 et 2022. Cet ouvrage permet au lecteur de découvrir la vie, la personnalité, la genèse de l’œuvre du célèbre écrivain turc.

La vie et le travail d’un romancier

«Les mots se mêlent à la pluie, ils tombent comme des gouttes». Tel est le premier dessin du recueil. Jeune, Orhan Pamuk voulait devenir peintre. A partir de 2008 il commence à dessiner et à peindre dans des carnets Moleskine, qu’il emmène partout. Les textes se superposent aux dessins, les dessins s’intercalent dans les espaces laissés libres. Écriture et peinture s’entremêlent. La traduction française entoure le dessin. Orhan Pamuk relate sa vie quotidienne, ses réflexions personnelles. Les textes sont parfois très courts tels de petits poèmes ou des mots isolés qui semblent voguer au gré de l’eau. Il nous parle de son travail d’écrivain, passionnant et exigeant, de ses rencontres, de son musée, le Musée de l’Innocence à Istanbul. Il avoue ses peurs, ses inquiétudes, sa fatigue. Les allusions politiques sont peu nombreuses et brèves mais lire la presse turque l’oppresse, souffrant d’être en «délicatesse» avec son pays. L’auteur raconte ses moments de bonheur en nageant dans la mer ou en écrivant ses romans. Il décrit ses voyages en Italie ou en Inde en particulier à Goa et témoigne de son amour et de sa tendresse pour sa femme Asli. Le peintre Orhan Pamuk dessine dans ses carnets des paysages familiers: Istanbul et le Bosphore vus de la fenêtre de son bureau, les Îles aux Princes où il séjourne l’été. Des thèmes sont récurrents: les bateaux, les embarcadères, les îles et les montagnes souvent imaginaires car «un autre monde nous est suggéré par les paysages vus en rêve».

Des paysages existentiels

Les carnets d’Orhan Pamuk sont très émouvants. L’auteur se dévoile peu à peu avec pudeur et sensibilité. Le lecteur est plongé dans la genèse de ses livres. Nous suivons la construction pas à pas d’un roman, la progression du récit, les hésitations et surtout la puissance imaginative de l’écrivain. Les dessins sont très beaux comme «Istanbul sous la neige», le Bosphore coloré d’or un matin au réveil, mais aussi le vieux Goa, la forteresse d’Amber ou la baie d’Alexandrie. Les couleurs sont essentielles, des couleurs qui se transforment en émotions et qui témoignent des états d’âme du peintre. Le Bosphore peut être coloré en noir ou être bleu azur !

Le paysage est le thème central du livre. L’amour des paysages est gravé dans son cœur et dès 2009 Orhan Pamuk voulait écrire un livre consacré aux paysages. Voir et dessiner des paysages c’est vivre, se consoler, se réconcilier avec le monde en faisant rentrer la poésie dans le quotidien. L’aquarelle permet d’accéder à un monde imaginaire, de rendre les impressions des rêves, de retrouver les souvenirs des montagnes au loin. Les paysages déterminent notre rapport au temps: ils fixent l’attention sur le présent, ils accueillent les couleurs du passé, ils nous font entrevoir un au-delà.

Pour Orhan Pamuk «l’écrivain et le peintre finiront par comprendre que les mots et les images ne font qu’un». «Telle est l’énigme cachée derrière les montagnes au loin».

Orhan Pamuk, Souvenirs des montagnes au loin, Carnets dessinés, Traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes, Gallimard, 392 pages, 39,50 euros, sortie en octobre 2022

visuel(c) couverture du livre

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Jean-Marie Chamouard

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