
Malévitch, Lissitzky : deux rééditions magnifiquement illustrées
À l’occasion de l’exposition du Centre Pompidou sur les avant-gardes russes à Vitebsk au début du XXe siècle, les éditions Hazan remettent en vente deux ouvrages phares sur les artistes abstraits Kasimir Malévitch et El Lissitzsky.
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L’exposition, dont le commissariat a été confié à Angela Lampe (déjà remarquée pour la magnifique rétrospective Klee en 2016), articule l’expérience des avant-gardes de Vitebsk autour de trois figures majeures : Marc Chagall, Kasimir Malévitch et El Lissitzky.
Si le premier a souvent les faveurs du public – grâce à son univers onirique, le mystère des symboles hassidiques qui peuplent ses toiles, l’imaginaire enchanteur convoqué par ses animaux et personnages volants, le chatoiement de ses couleurs -, les deux autres, liés à une expression abstraite la plus radicale, peuvent rebuter les amateurs attachés à l’expérience sensuelle du contact avec les œuvres.
Pourtant, ces deux trajectoires entremêlées par moments sont indissociablement liées à l’histoire des révolutions dans la Russie du début de siècle, ainsi qu’aux origines familiales et culturelles de ces deux artistes. C’est ce que démontrent ces ouvrages, réédités par Hazan à cette occasion : en associant des plumes de qualité (notamment Jean-Claude Marcadé pour Malévitch, auteur de la première monographie consacrée à l’artiste) à une riche illustration, c’est tout un monde qui reprend vie avec force sous nos yeux.
Le pari – réussi – est de faire comprendre et ressentir au lecteur la part d’utopie et d’ancrage social et politique que comportait cette aventure de l’abstraction. Ce dernier a d’ailleurs tout loisir de constater les divergences culturelles de ce foyer d’abstraction “bolchevique” par rapport à la trajectoire farouchement individuelle de Frantisek Kupka (actuellement exposé au Grand Palais), bien plus marqué par la culture de la Mitteleuropa.
Pour autant, l’œuvre des deux artistes russes ne se confond pas, et Lissitzky a également joué un grand rôle dans l’histoire de la photographie, bien développé dans cet ouvrage. Quant à Malévitch, c’est notamment l’éclairage sur son enfance et son entourage familial qui permet de mieux comprendre son rapport au sacré et à la figuration, avant l’aventure du suprématisme.
Deux ouvrages bien documentés, richement illustrés, indispensables pour approfondir ce volet radical de l’histoire de l’abstraction.
Malévitch, Jean-Claude Marcadé, éditions Hazan, 320 p., 99€
El Lissitzky, L’expérience de la totalité, sous la direction d’Oliva Maria Rubio, éditions Hazan, 200 p., 25€
Visuels © couvertures