Alice, une femme et les derniers instants de ses hommes, par Judith Hermann
Révélée avec le recueil de nouvelles “Maison d’été, plus tard” en 1998 (100 000 exemplaires écoulés en Allemagne), Judith Hermann est une des grandes figures de la littérature contemporaine. Comme elle prend son temps pour sculpter ses textes incisifs et clairvoyants, dix ans plus tard (2008), elle publiait son 3e recueil, “Alice”. Le personnage éponyme de ce livre enfin disponible en Français fait le lien entre diverses nouvelles courtes et portées par le drame et la tension d’une mort proche. A lire chez Albin Michel dès le 5 janvier 2012.Judith Hermann est à Paris, le 9 janvier 2012, pour une rencontre au Goethe Institut.
« On contient sa mort comme le fruit son noyau. » Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, 1910.
Alice retrouve Maja et son enfant dans la ville de Zweibrücke. Maja est la nouvelle compagne de Micha, que Alice a aimé et ce dernier est entrain de mourir d’un cancer. Alice se rend avec son nouvel amant roumain en Italie chez Conrad. Là, elle apprend qu’une autre ancienne flamme est mourante. Alice soutient son amie Margaret dans les derniers jours du compagnon de celle-ci, Richard. La fille d’un oncle suicide (portant le beau prénom de Malte) retrouve Alice. Enfin, Alice tente de surmonter le décès de son compagnon d’une vie, Raymond.
En cinq décès autour d’Alice, évènement dont la chronologie demeure extrêmement floue, Judith Hermann dresse depuis l’extrême le profil psychologique de son héroïne. En arrière-fond de ces drames toujours attendus (il n’y a pas d’accident dans le livre, la mort vient accomplir une longue maladie et ce qui est brusque est toujours décliné au passé), défilent l’armée de ces ombres que sont les infirmiers, les voisins et les gens de la rue, devenus comme invisible tant la mort concentre l’intrigue sur celui qu’elle prend et sur ses proches. Dépeinte, comme très émotive et en même temps souvent résignée, Alice est un personnage qui semble parfois aussi s’effacer à l’approche de la mort. Ce sont alors ses gestes, ses mouvements d’automate parfaitement répertories par Judith Hermann, qui exprime le deuil. Cette confrontation avec la mort adoube définitivement l’auteure maître de la saisie de la psychologie humaine à travers les gestes du quotidien.
Judith Hermann, “Alice”, trad. Dominique Autran, Albin Michel, 180 p., Sortie le 5 janvier 2012.