Cinema

Tout ce qui brille finit par brûler

26 March 2010 | PAR Gary Serverian

Dans une comédie rafraichissante Géraldine Nakache et Hervé Mimran transforment ce qui aurait pu être un “film girly” en portrait d’une génération. Génération qu’ils subliment en nous racontant son quotidien, en exposant ses codes mais aussi ses incertitudes.

Tout est écrit. On n’échappe pas à son destin. Autant de formules “clichés” qui pourraient caractériser le premier film de Géraldine Nakache réalisé aux côtés d’Hervé Mimran. Dans Tout ce qui brille, ils mettent en scène Lila et Ely, deux jeunes putoléennes pur jus. Franciliennes et pas parisiennes. Superflue pour certains, la nuance est essentielle pour les deux copines. A dix minutes de Paris, elles sont en fait à dix minutes de leur vie. Du moins elles le pensent.

De la ville lumière, Lila et Ely aiment le clinquant, les Champs, le chic. Et surtout, surtout, les nuits parisiennes. Leurs ambiances, leurs faux-semblant, leur futilité. Mais voilà, les deux copines habitent de l’autre côté du périph’. Elles ne sont pas “connectées” et rarement sur les guest lists. Alors on y va au culot. On emprunte les portes de services en feignant de connaître le videur, avec le panache et l’assurance de deux “banlieusardes”. Par le prisme de Lila et Ely, les deux réalisateurs nous décrivent la banlieue dans ses subtilités. Sa gouaille par exemple. Les deux copines parlent fort. Elles gueulent. Elles s’insultent. Et surtout, se charient. Les dialogues collent d’ailleurs idéalement à leur diction et leur gestuelle maniérées. Mais habiter en banlieue, c’est un art de vivre. C’est une façon de parler, de chambrer, de manger. A Puteaux, les spaghetti sont à la bolognaise et pas au citron. A Puteaux on se lève aux aurores pour aller bosser chez Lina’s. A Puteaux y a un “barj'” posté à la fenêtre pour vous sortir des blagues vaseuses 24 sur 24. Mais de cette vie là, Lila et Ely n’en veulent pas.

Elles la fuient et se réfugient dans le mensonge. Pour leurs rencontres nocturnes, Lila et Ely n’habitent pas à Puteaux mais à Neuilly. Les différentes mises en situation proposées par Géraldine Nakache et Hervé Mimran vont faire voler cette façade en éclat. C’est d’abord le regard inquisiteur d’Agathe ( Virigine Ledoyen ) qui renvoit Ely dans les cordes. Elle voit clair dans son jeu. La jeune fille ayant sans doute était trahie par son coup de tête porté au SDF qui agressait Agathe. Et le pire c’est qu’Ely “sait qu’elle sait” comme dirait l’autre. Mais elle s’en fiche. Le feeling passe bien avec le fils de Joan ( Linh-Dan Pham ) et désormais Agathe ne l’appelle plus pour “going out” mais pour jouer la baby-sitter.
La deuxième mise en situation a lieu dans un haut lieu de la gastronomie parisienne. Les deux copines dînent avec Agathe et Joan quand Carole ( Audrey Lamy ) débarque. Avec Lila et Ely elles sont inséparables. Les trois copines squattent les bancs du centre commercial de la Défense ensemble. Elles partagent les mêmes sandwiches, la même voiture, et à l’occasion le même appartement. Mais voilà, dans leur vie parallèle, Carole c’est LA copine qu’il faut cacher. Il faut la cacher, elle, mais aussi ses joggings, ses attitudes, sa gouaille, sa voiture, son sac de sport… D’ailleurs Carole n’existe pas. Quand elle débarque dans le restaurant, la jeune fille tombe comme un cheveu sur la soupe. Lila et Ely, qui ne peuvent cacher leur embarras, la présentent comme leur “coach”. Et Carole ravale sa fierté en acceptant l’offre d’Agathe et Joan qui solicitent ses services. Mais quand elles sortent du restaurant Carole les remet à leur place comme un coach recadre ses joueurs. Pas rancunière, elle passe l’éponge mais n’oublie pas.
Le père d’Ely ( Daniel Cohen ) n’oublie pas non plus. Chauffeur de taxi, il a pour habitude d’attendre sa fille et sa copine pour les ramener à Puteaux après leurs soirées parisiennes. Il attend. Toujours à l’angle jamais devant la boîte. Mais ce soir là les filles sortent quand Maurice arrive. Avec sa bonhommie naturelle il interpelle Ely, Agathe et Joan. “Alors ça groove les poulettes”. Agathe et Joan qui ne le connaissent pas, prennent la mouche. Elles l’insultent. “Vieux pervers dégueulasse”. Sa fille ne dit rien. Son père non plus. Il a compris. Et pour le coup son regard vaut mille mots. Blessé dans son égo par la prunelle de ses yeux. Par celle qui pose ses pieds sur les siens et l’entoure de ses bras quand ils dansent ensemble. Par sa “poulette”. C’est le moment clé du film. Son point de symétrie. Ely a eu une révélation.

La jeune fille accepte ce qu’elle cherchait à fuir. Sa vie. A Puteaux et pas à Paris, même si elle emménage dans le 20ème. Lila, elle, se fixe sur le wagon et manque la locomotive. Eprise de Max, l’amant d’une semaine, elle se sépare d’Eric, l’amour d’une vie. Face à son destin, Lila refuse celui de sa mère. Sa mère qui continue à attendre le retour d’un mari qui est parti pour ne plus revenir. Au Maroc il a refait sa vie et demande à sa fille de l’oublier. Mais Lila s’y refuse. Elle se brouille avec Ely, quitte son job et déprime dur. Lila ne veut plus entendre parler d’Ely et inversement. Mais voilà, comme dans toute séparation, on laisse des affaires à gauche, à droite. Ely hérite du sac de Lila. Un jour elle l’ouvre et découvre les lettres de son père. En les lisant tout prend sens. En manque de repères paternels, Lila vit dans le vide. Prend la fuite. Attirée par ce qui brille, elle brûle en continue. Mais finit par se poser avant de se consummer. Au culot, “à la Lila”, elle décroche un job de vendeuse. A Paris, dans son magasin de chaussures préféré. Un jour Lila fait la fermeture et Ely vient l’attendre les lettres à la main. Pas besoin de longs discours les deux copines se comprennent et se réconcilient. Et le film se termine comme il avait commencé : par un taxi basket.

Bande annonce de Tout Ce Qui Brille

Le Voisin insupportable et libérateur de Tatiana de Rosnay
Gagnez 5×2 places pour les inepties volantes mercredi 31 mars
Gary Serverian

4 thoughts on “Tout ce qui brille finit par brûler”

Commentaire(s)

  • Jul

    Malheureusement pour vous, ces jeunes femmes sont Putéoliennes !

    A bon entendeur !

    March 28, 2010 at 10 h 15 min
  • Pour tout savoir sur le film “Tout ce qui brille”, ainsi que sur les actrices principales Géraldine Nakache et Leïla Bekhti, rendez-vous sur leur forum: http://lilaetely.superforum.fr
    Vous pourrez échanger vos avis et suivre toute leur actualité

    April 3, 2010 at 15 h 17 min

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration