Cinema
Submarine : une plongée délicieuse au sein d’un coeur adolescent

Submarine : une plongée délicieuse au sein d’un coeur adolescent

26 July 2011 | PAR Morgane Giuliani

Submarine, le premier film de Richard Ayoade, est un cas d’école : il fut annoncé par sa bande-originale, réalisée par Alex Turner, le leader des Arctic Monkeys, sortie plusieurs mois auparavant, acclamée par la critique. Déjà, le ton était donné : entre douceur et aigreur, emportement et retenue. Un film délicat qui ne manque pas de nous faire explorer avec intelligence l’âme d’un jeune homme sentimental et un peu perdu. Une fable d’hier et d’aujourd’hui sur l’amour et ses étrangetés, à tout âge.

Oliver Tate (Craig Roberts) est un ado de 15 ans un peu à part, préférant rêvasser à ses hypothétiques funérailles plutôt qu’écouter en cours. De grands yeux ronds et étonnés, il semble toujours égaré, cherchant son chemin parmi ses camarades à l’humour douteux. S’il se prend parfois à leurs jeux cruels, comme dans l’hilarante scène où il embête une élève bien en chair, Zoé, ce n’est que pour les beaux yeux de Jordana Bevan (Yasmin Paige). Cette petite brune à la coupe au carré, le regard mutin, parcourt la ville vêtue de son manteau rouge vif, n’en faisant qu’à sa tête. Presque par erreur, ils finissent “en couple”, mais refusent les frivolités romantiques : pas de grandes déclarations enflammées, ni de papouilles enfantines. Mais on le sait, rien ne se déroule jamais comme prévu, et les évènements en décideront autrement…

Alors qu’il s’atèle à être “le meilleur petit ami possible”, distillant des petites attentions (dont une belle lettre d’amour), Oliver se voit contraint de gérer un autre couple que le sien : celui de ses parents. Il est en sûr : sa mère (Sally Hawkins) et son père (Noah Taylor) n’ont pas fait l’amour depuis 7 mois, en atteste la lumière réglable de leur chambre, demeurée depuis lors à l’intensité maximum. Pis encore, un étrange gourou, Graham Purvis (Paddy Considine) et accessoirement, le premier amour de sa mère, s’installe en face de chez eux. Alors que son père s’efface, n’ayant qu’un peu de passion pour son métier de professeur en biologie sous-marine, sa mère se plonge dans le passé, se rapprochant peu à peu de Graham. Ce dernier, parfaite tête à claque imbu de lui-même, est ridiculement drôle lors de ses “démonstrations psychiques” sans queue ni tête. Oliver va alors s’employer à sauver l’histoire d’amour de ses parents, à grand renfort de stratagèmes émouvants dans leur innocence, entre espionnage et coups en douce.

Aussi, tout est question de “plongée” dans Submarine. On parcourt l’histoire au fil des pensées les plus profondes d’Oliver, à mesure des soubresauts de son coeur adolescent apprenant par tâtonnements ce qu’est l’amour. Surtout, on suit son parcours au milieu d’êtres tous singuliers, et impossibles à atteindre, chacun étant dès lors une sorte de sous-marin à la carapace dure, car ne laissant transparaître que ce qu’il veut bien. Le film raconte avec finesse cette balance perpétuelle entre ce que l’on peut attendre des autres (de l’attention, notamment), et ce que l’on obtient réellement, rarement à la hauteur. C’est une fable sur les épreuves de la vie à différents âges, que l’on tente de surmonter en essayant de mieux comprendre l’autre. Les générations se croisent et s’entraident, et l’on est touché par les familles des deux jeunes gens, soudées malgré leurs difficultés propres.

Submarine est un film initiatique (il est même divisé en 3 parties thématiques), mais Richard Ayoade nous épargne la  lourdeur moraliste que l’on pourrait craindre pour ce genre. Cet équilibre entre réflexion et simple narration est obtenu grâce à un humour dédramatisant toute situation, notamment la mise en scène décalée de lui-même qu’Oliver développe. On rit à gorge déployée lorsqu’il imagine sa vie comme un film, décrivant de quelle manière la caméra devrait se déplacer en fonction de la teneur des évènements, et que celle-ci, en effet, bouge selon son désir. On s’attache à son univers décalé, une petite bulle seventies perdue au milieu de la sauvagerie des années 2000, emplie de vinyles de crooners français, de cassettes audio et de lettres tapées à la machine.

Hors du temps, Submarine offre un traitement original d’une trame pouvant paraître un peu banale au premier abord. Porté par son quatuor d’acteurs géniaux, il offre une valse des sentiments étourdissante et rafraîchissante. Les -presque- deux heures s’écoulent vite, offrant un voyage enrichissant au sein d’un coeur adolescent, questionnant avec justesse et intelligence nos travers et envies, faisant la part des choses entre l’accessoire et l’essentiel. Sûrement l’un des meilleurs films de l’année.

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Morgane Giuliani

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