Cinema
Ricordi?, un film de Valerio Mieli

Ricordi?, un film de Valerio Mieli

30 July 2019 | PAR Julia Wahl

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans… Somptueuse variation contemporaine sur ces vers de Baudelaire, Ricordi? interroge notre rapport pathologiquement nostalgique au passé.

C’est la rencontre improbable d’un homme douloureusement tourmenté et d’une femme sempiternellement heureuse. Elle est belle, quelques vingt années peut-être. Il est beau, vingt ans également. Elle n’a que de beaux souvenirs, lui que de laids. Quoi de mieux pour un énième film sur l’attirance des contraires et un romantisme facile ? C’est là l’écueil que le film évite avec grâce.

Car cette différence de caractères s’inscrit dans une divergence, plus profonde sans doute, en tous cas plus intellectuelle : celle du rapport au souvenir. Alors que, pour lui, le passé ne nous semble beau qu’en raison d’une nostalgie un peu naïve, elle tient pour certain que la beauté est déjà là, quand les choses adviennent. Si elle ne nous apparaît que plus tard, c’est en raison du recul que nous offre le temps. 

C’est dans le travail de surimpression des souvenirs que réside la beauté du film : le passage d’une robe à l’autre, d’un plan à l’autre se fait au sein d’une même scène, désarçonnant le spectateur autant que les personnages, qui se demande lequel, de ce décor et de ce costume, est le “vrai”. A ce brouillage scénographique répond un brouillage temporel qui mêle allégrement passé, présent et futur, en un système de flash-back et de flash-forward qui, pour l’occasion, méritent leurs noms : ces incursions dans le passé et dans l’avenir ont la rapidité d’un éclair et, pourtant, se font tout en douceur. 

Pour autant, il n’est pas sûr que le sujet du film soit cet “archivage” – c’est là le mot des personnages – des souvenirs dont on ne saurait, vivrait-on cent ans, se remémorer tous. L’écoulement du temps semble surtout pour la jeune femme un apprentissage de la gravité, en même temps que sa beauté, initialement si lisse, gagne en aspérités, troquant les robes claires et colorées pour des cuirs noirs et des jeans marine. L’éternelle joyeuse – incarnée par l’étonnante Linda Caridi – découvre qu’elle peut être terriblement douée pour la tristesse et la mélancolie, davantage que son amant, le ténébreux Luca Marinelli, n’apprend à composer avec les aléas de la vie. Cet apprentissage douloureux s’incarne dans les images autant que dans le corps : aux représentations volontiers stéréotypées du bonheur succèdent des plans plus sobres et plus réalistes. 

Un film multiple, donc, dont on ne saurait épuiser les sens, malgré une tendance un peu trop prononcée aux plans facilement esthétisants.

 

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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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