Cinema

Rencontre avec Rintaro, réalisateur de “Yona, la légende de l’oiseau-sans-aile”

03 February 2010 | PAR Geraldine Pioud

Si le nom de Rintaro vous est inconnu, son oeuvre ne l’est certainement pas! Au départ coloriste pour les studios d’animation Toei, on lui doit par la suite “Astro le petit robot” (série qu’il supervise dans les années soixante), “Albator” (1978), “Harmagedon” (1982) ou encore “Métropolis” (2002)… entre autres! Rencontre avec ce grand enfant de 69 ans qui n’a pas fini de nous étonner.

rintaro-plan-epaulesLe plus frappant dans Yona, la légende de l’oiseau-sans-aile, c’est l’importance de la musique.

C’est un compositeur avec lequel j’ai déjà travaillé pour d’autres films (il s’agit de Toshiyuki Honda), par exemple Métropolis. Il a tout se suite compris ce que je voulais. Je lui avais demandé que la musique commence par le piano pour enfants. Pour moi la musique est quelque chose d’important dans la création des films d’animation.

Il y a plusieurs influences : du jazz, des percussions,…

Ce compositeur est un musicien de jazz (saxo alto), et il est très connu au Japon. Mais je lui ai demandé aussi de composer une musique orientale. Et quand Yona s’envole, c’est Georges Bizet.

On sent les influences orientales avec le palais dans le décor. Il y a aussi un rapport à l’enfer et au paradis, une notion plutôt catholique. Et les 7 divinités qui sont en rapport avec le Japon. Le jazz plutôt américain. Vous avez mélangé plusieurs cultures, on l’entend dans la musique mais on le voit aussi à l’image.

J’écoute tous les types de musique du monde, et cela nourrit mes images. Pour un film il faut de la musique et aussi des effets sonores.
metropolis

À première vue on peut imaginer que Yona est un film plus lumineux que Métropolis, mais au niveau du visuel, il y a quelque chose de sombre dans Yona. Le film se passe uniquement la nuit. Le côté sombre de l’humanité ressort aussi dans Yona.

C’est subjectif! Chacun ressent son propre degré de « sombre ». Mais il est vrai que pour moi il faut toujours le côté obscur, c’est une sorte de conviction. Cela ressort assez naturellement dans mes films. Pour moi la nuit représente le fantastique, avec la lune il y a le côté qui fait très peur cela peut être un motif d’horreur. En tous les cas la nuit me donne plus d’imagination que le jour.

Pourtant au départ vous avez commencé à travailler avec les couleurs?

Contrairement à Métropolis où j’ai mis l’accent sur les couleurs, Yona était au départ henri-rousseauun projet de livre d’images. Pour montrer la profondeur j’ai mis des couleurs malgré les scènes de nuit. Dans une des scènes dans la forêt, il y a différentes couleurs : à ce moment là j’avais en tête les tableaux d’Henri Rousseau. Je n’ai pas cherché à imiter ces tableaux, j’ai juste essayé d’y prendre quelque chose.

J’avais pensé à Toulouse-Lautrec. Par rapport aux contrastes…

Cela me fait plaisir de savoir que vous avez vu le film de cette façon-là!

La scène où Yona s’envole avec son père est un moment très magique du film. Un point d’orgue au niveau de l’émotion. Les fantômes nous rappellent par ailleurs l’importance des ombres dans votre oeuvre.

À chaque fois que je réalise un film je change de style, mais c’est toujours moi alors c’est sûr il y a des points communs. Tout cela est très inconscient.

Il y a quelque chose d’enfantin dans Yona, une certaine fraîcheur, comme si c’était un premier film.

Je suis âgé maintenant. Mais quand je crée je suis un enfant. C’est la première fois que je fais un film que j’ai moi-même écrit. Tout ce qui dormait dans mon coeur est ressorti, tout ce qui était du domaine de l’enfance est ressorti. C’est effectivement presque comme mon premier film. Mais peut-être que la prochaine fois je ferai un film sur les homosexuels!
yona

Vos prochains projets seront toujours dans l’animation et en images de synthèse?

J’espère que cela sera un film d’animation. Pour Yona j’ai formé une équipe jeune, et j’aimerais continuer avec eux. J’ai beaucoup d’idées…. mais c’est le financement qui manque! Peut-être que je ferai le prochain en France, car j’aime beaucoup ce pays et sa culture (Balzac, Toulouse-Lautrec, le cinéma français,…). J’étudie les beaux-arts français. À l’époque des impressionnistes il y a eu des rencontres entre les artistes à travers les estampes japonaises. Par exemple Van Gogh a beaucoup apprécié, ainsi que Toulouse-Lautrec. J’aimerais que ces échanges recommencent à travers le cinéma d’animation. Je n’aimerais pas travailler avec les américains, parce qu’il faut toujours le côté positif. Alors qu’à mes yeux il faut toujours de l’ombre et de la lumière. Les deux sont indispensables. Je ne pense pas être le seul réalisateur de cinéma d’animation à penser comme cela.

Entretien traduit du japonais par Shoko Takahashi.

“Yona, la légende de l’oiseau-sans aile”
Et les nommés aux Oscars sont…
Geraldine Pioud

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