Cinema
Quand le Cinéma contourne la norme et vous dévoile l’amour chez nos aînés

Quand le Cinéma contourne la norme et vous dévoile l’amour chez nos aînés

13 February 2012 | PAR LLT

Alors que la population vieillit, les personnes âgées restent perçues, dans nos sociétés, comme des personnes impotentes (souvent victimes d’Alzheimer) ou comme une part de marché non négligeable. Peut-on les envisager différemment ? Pourquoi pas comme objet de désir et de fantasme par exemple. Le cinéma franchit le pas et conçoit le jeu de séduction et le désir charnel même chez les sexagénaires et au delà. Mais alors, vraie transgression ou faux semblant ?

C’est dans l’essence même du Septième art que de s’autoriser à pointer du doigt les tabous pour mieux les outrepasser en les rendant accessibles à un public large et pas toujours averti. On peut citer notamment My own private idaho qui met en scène une histoire d’amour à la Gus Van Sant entre deux hommes, Chanson d’amour de Christophe Honoré qui parle de ménages à trois, Happy few qui traite d’échangisme sentimental ou plus récemment Shame de Steeve Mcquenn qui aborde de manière frontale l’addiction sexuelle peu connue et donc souvent décriée. Ou encore Ma Mère, du même C.Honoré où Nathalie Baye se métamorphose en maman incestueuse par les mots, les non-dits et les actes.

Mais revenons en à nos vieux moutons. L’amour chez les vieux est-il véritablement un tabou ? Pas sûr, mais il n’en reste pas moins qu’on ne voit que très peu souvent des corps ridés copuler ou s’amouracher face caméra. Le cinéma a en effet tendance à appréhender plus subtilement la question de l’amour des générations passées.

Dans 3 fois 20 ans, Julie Gavras met en scène un couple, soixantaine pimpante, qui s’aime et batifole sous la couette. Mais quand à leur grande surprise Mary (Isabelle Rossellini) et Adam (William Hurt), réalisent qu’ils sont devenus des « seniors », ils ont une manière tout à fait différente d’appréhender la chose. Lui, se sent encore bien dans ses baskets et continue à vivre normalement, elle, traverse une période de doute et tente de se « préparer à la vieillesse ». Mary ne se voit plus que comme un corps ridé incapable d’offrir à la société et encore moins enclin à attirer l’œil des hommes. Julie Gavras nous montre à travers ce personnage qu’on a envie et besoin malgré l’âge de rester désirable et d’attirer l’attention. Une scène notamment le dégage avec adresse. Mary, se rend au bar de son club de sport. Une jeune femme passe, le regard des hommes la suivent. Mary décide à son tour de tester son pouvoir de séduction. Elle s’assoit, croise les jambes d’un mouvement presque sensuel, que la caméra suit avant de remonter au niveau de sa chemise, que Mary détache de quelques boutons. Son regard cherche celui des hommes sans les trouver. Elle tente encore, regardant autour d’elle, la bouche en cœur, caressant sa nuque. Peter, un quadra viril et propriétaire du club, viendra à elle pour lui dire «On voit pas toujours ce qu’on a devant soit, ces idiots sont aveugles pas moi». Si le film en général et cette scène en particulier, ne sont pas une entorse à la bienséance, la réalisatrice amène le spectateur à adopter une autre vision sur la vieillesse. Comme une personne encore capable de désirer et toujours désirable, et ce avec quelques mouvements de caméra et une Isabelle Rossellini dans la force de l’âge. Sans être clairement montré et affiché, le désir charnel est sous entendu, dévoilé avec retenue.

S’il est difficile de parler de la vieillesse dans sa dimension charnelle, les comédies romantiques qui racontent un amour de dernière minute ne se font plus si rares. Ils sont vieux mais beaux, ils sont seuls mais le destin va faire que… Mais le puritanisme ou le genre obligent ces love stories entre cinquantenaires à être plus romantiques à l’eau de rose que subversifs. Dans Last chance for love, Harvey Shine (Dustin Hoffman), un américain malheureux et malchanceux croise le chemin de Kate Walker (Emma Thompson), une londonienne tout aussi seule que lui. Les protagonistes se racontent leur vie, leur rêve, leur déception et espoir, font de grandes balades dans le parc ou marchent au bord de l’eau. Il est plus volontiers question de trouver l’amour de sa vie quand on y n’y croit plus et vivre des instants romantiques avec l’autre. On s’effleure les lèvres mais le désir sexuel n’est pas abordé de manière frontale, le romantisme étant mis plus en avant. Si Sur la route de Madison rentre dans cette catégorie mélo. Clint Eastwood s’y autorise des scènes plus explicites. Notamment quand Fransesca (Mery Streep), au pas de sa porte, ouvre sa robe de chambre pour laisser le vent lui caresser le corps. Ou encore lorsque Robert Kincaid (Clint Eastwood) se lave le torse (un peu tombant forcement), dans le jardin et qu’elle regarde du haut de sa fenêtre entre attendrissement et envie.

Ce désir qui monte en vous chers sexagénaires, lorsque vous voyez une jeune “quinqua” se hâter au coin de la rue. Des palpitations d’un coeur de seconde main se font entendre, les poils grisonnants se hissent, vos yeux s’illuminent derrière des verres progressifs. Et bien ce désir et cette tension, Manoel De Oliveira les transmet par la parole, celle de Michel Picoli et de Bulle Ogier. Le couple ou le duel d’acteurs fait passer dans Belle Toujours par leurs voix la rancoeur, l’amour profond mais surtout une tension sexuelle et presque érotique. Le réalisateur explique le choix du lieu de tournage (un restaurant, un dîner) en une phrase: “Le dîner entier est une ode aux instincts de l’Homme”. Le pulsionnel est bien ancré dans ce repas. Il y a de l’agressivité, de la provocation, de l’humour paradoxalement et une immense complicité entre les deux comédiens.Tous ces petits pics, ces phrases qu’entonnent l’un et l’autre résonnent tel un jeu instinctif, presque de gosse, qui consiste à prouver à l’autre et à soi-même qui a le plus aimé, le plus désiré et le plus souffert. Ce film réalisé en 2006 révèle le côté transgressif de l’image de nos aînés au cinéma. Cette image de la vieillesse qui s’attire, dans les salles obscures et qui subjugue certains, elle transgresse, casse presque les codes car la société a une idée bien défini de Papi et Mamie : des rides, des maladies, des lunettes à triple foyer, de l’experience, un soupçon de sagesse et aucune activité libidineuse. Mais demandez à vos grands-parents ( vous, les jeunes de notre époque) s’ils ont arrêté de s’adonner aux plaisirs de la chair…

Cet acte de subversion de montrer deux quinquas ou plus s’aimer à l’écran doit être un bon filon. Puisque la majestueuse colline californienne en produit de plus en plus. Bien sûr, vous ne couperez pas au blockbuster accompagné de ses clichés sur l’amour, le temps qui passe et en bonus, une morale de fin signée Hollywood. Dans Il n’est jamais trop tard, réalisé par Tom Hanks et interprêté par le sus nommé, Larry Crowne se fait licencier du job qu’il avait depuis des années. Il décide alors de reprendre les études et s’inscrit à des cours d’expression orale à l’université du coin. Son professeur n’est autre que Mme Tainot (Julia Roberts) une enseignante désintéressée, désabusée qui doute de son mariage. Mais elle est belle, drôle et son nouvel étudiant va tomber sous son charme. Le thème du film est clair, simple et se définit comme un message d’espoir pour la population vieillissante: passé la cinquantaine, il y a une deuxième chance pour rencontrer l’autre femme (ou homme) de sa vie et pour reconstruire une histoire. Outre le fait que l’on nage dans un océan de clichés d’une comédie romantique banale entre deux personnes d’âge mûre, le seul que vous aurez la chance d’apercevoir en sous-vêtements, c’est Bryan Cranston. Il joue le mari de Julia Roberts et comme il le dit lui-même, pendant les scènes de nus, l’actrice était en sweat et jean sous la couette. En résumé, Il n’est jamais trop tard est une comédie surboostée par les campagnes de promotion et les têtes d’affiche. Vous gardez le scénario, vous prenez deux acteurs dans la fleur de l’âge, vous passez le tout au compresseur hollywoodien et vous obtenez une comédie romantique à l’eau de rose sans substance mais sûrement avec des scènes de sexe entre deux corps incroyablement excitants. Autant dire que l’on préfère Tom Hanks en abruti notoire mais au sprint ravageur dans Forrest Gump que le même Tom, avec vingt ans de plus, s’essayant à une leçon de morale et de sagesse.

Là où le réalisateur Tom Hanks échoue et tombe dans ce que l’on pourrait apparenter à de la fausse transgression, André Téchiné, lui, avec Impardonnables transmet l’image subversive de l’âge mûr qui s’aime au cinéma. Ecrivain, Francis, incarné par André Dussolier, se rend à Venise pour pondre son prochain roman. Il cherche un endroit paisible pour pouvoir s’adonner aux plaisirs de la plume. L’agent immobilier (Carole Bouquet) lui fait visiter une maison. Il l’a prend à une condition: S’ils vivent ensemble. Elle accepte. Dans l’entremêlement des intrigues, propre à Téchiné, le vieux couple s’aime, batifole, joue, apprend les souffrances de l’autre et les vieux secrets. Ils sont presque comme deux enfants qui se découvrent et aperçoivent un autre aspect de la vie à cet âge. Leur intimité sous la couette n’est pas filmée explicitement même si à 1H32 minutes, vous aurez l’occasion de croiser une paire de fesses féminine voilée derrière une moustiquaire.

Le cinéma ne porte pas l’amour, le désir ou la vie sexuelle des vieux à l’écran de manière violente, mais il laisse entendre que la libido, passé 40 ans, anime toujours les corps et les passions. Le septième art pose un regard et des questions. Le sexe chez les vieux, oui et alors ? Qu’ils soient faussement transgressifs ou subversifs à souhait, les films qui s’attardent sur les relations sexuelles et/ou amoureuses de nos aînés ont le vent en poupe. Le cinéma commencerait-il à se lasser de ces corps rayonnants de vitalité et de fraîcheur pour flirter avec le Troisième âge ? Se passionne-t-il des relations de nos aînés par souci de reconnaissance ou simplement parce qu’en 2050, un français sur trois aura plus de soixante ans ? L’industrie du film a-t-il trouvé un nouveau filon pour se remplir les poches, c’est à regarder de plus près dans les prochaines décennies.

Lancelot Langlet et Clémentine Athanasiadis

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