Cinema

Poetry de Lee Changdong

13 July 2010 | PAR Coline Crance

 Poetry est un film du coréen Lee Changdong avec la magistrale Yun Junghee. Cinéaste d’Oasis en 2002, de Secret Sunshine en 2007, il prouve une nouvelle fois sa sensibilité, son intelligence et son indépendance d’esprit. Un pied dans la poésie, un autre dans le sordide, l’histoire de cette vieille grand mère extravagante, touche et exhume la beauté des choses les plus triviales, inhabituelles de la vie. Le film sort le 26 août , il a été récompensé par le prix du scénario au festival de Cannes cette année. Durée : 2h19

 Lee Changdong filme une petite grand-mère Mija qui élève seule son petit-fils. Elégante , extravagante, Mija n’est pas une grand-mère comme les autres. Vêtue de jolies robes colorées, coiffée de petit chapeau, amatrice de badminton avec son petit-fils, de karaoké, elle traque le monde et sa beauté en gardant ses deux yeux bien ouverts : un oeil esthète qui s’évade à travers les couleurs des fleurs, les odeurs, toutes formes de sensations et un autre tendu irrémédiablement vers ce que l’humanité a de plus sordide, de plus dur. Grand-mère courage , elle fait le ménage chez un riche hémiplégique qu’elle savonne chaque jour dans sa baignoire et le dîner tous les soirs pour son petit-fils laissé à charge et « sans merci » par sa fille… Sa vie bascule et ses choix se confirment quand elle apprend sa maladie et les atrocités commises par ce petit-fils ingrat. Alors confrontée à ce que le monde a de plus sordide, obligée de trouver 5 millions de wons pour dédommager la mère d’une jeune suicidée que six de ses camarades de classe dont son petit-fils violaient depuis six mois , Mija ne baisse pas les bras et respire lors d’un cours de poésie donné à la maison de la culture de son quartier.

Extravagante Mija ? Certes ! Mais cette grand-mère qui perd progressivement la mémoire, n’oublie pas pour autant le bon sens et ses valeurs morales. Face à ces choix, ces dilemmes qui se posent à elle, la poésie guide ses pas vers une recherche constante de la vérité qui lui permettra de partir en paix. Loin d’être une vieille folle, comme semblent parfois le penser les pères de cinq autres jeunes criminels, Mija garde ses deux yeux grands ouverts , et suit à travers les mots et les sens le chemin de la rédemption et de la compassion. Elle fait, au-delà de tout jugement, ce qui lui semble juste. Envoyée par les pères amadouer la mère de la jeune suicidée, Mija est émue par cette femme et par la beauté et la sérénité de l’endroit dans lequel elle vit. Les abricots qu’elle voit éparpiller sur la route, lui font prendre conscience que la conséquence de tout acte doit être accepter pour mieux laisser la beauté s’exhumer et l’abricot renaître lors de l’été prochain … Pour cela l’action se mêle à la contemplation. Pour que la poésie advienne, elle doit agir. Et cette passion de la pureté doit passer par un ascétisme moral et par l’expiation des fautes. Le sens de la justice se lie à celui de la charité chez Mija. Ainsi, elle accepte de donner ce dernier acte sexuel à ce vieux hémiplégique qui souhaitait avant mourir se revivre en tant qu’homme, elle récure ce petit fils prétendant le préparer à la venue de sa mère et surtout elle pleure deux fois comme pour régénérer cette passion et cette soif de vérité, de justice et de beauté qui brûlent et dévaste son corps et sa mémoire.

Un film donc pleinde symboles, d’une beauté étrange et bouleversante et servi par la magnifique et tendre Yun Junghee !

 

Péplum lyrique et poétique sous les étoiles- Spartacus ( reprise le 10 mai à Pantin)
Palmarès de Paris cinéma
Coline Crance

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration