La petite chambre: Michel Bouquet de retour dans un premier film lumineux et émouvant
Porté par Michel Bouquet et Florence Loiret Caille, La petite chambre est un des premiers coups de cœur de cette année 2011. D’ un sujet difficile et potentiellement lacrymal, les réalisatrices Stéphanie Chuat et Véroinique Reymond tirent le meilleur pour proposer un film dynamique, émouvant, tendre et finalement lumineux. La critique d’une première œuvre aboutie.
Synopsis officiel: ” C’est une histoire de cœur. Celui d’Edmond n’est plus très solide. Mais il bat au rythme d’une indépendance farouche, celle qui lui fait refuser l’idée d’entrer en maison de retraite, celle qui le pousse à refuser les soins de Rose, qu’on lui envoie comme infirmière à domicile. Papy fait de la résistance? La jeune femme lui tient tête. Elle sait le tumulte qui saisit un cœur quand il faut accepter l’inacceptable. Le sien n’est pas encore remis. Un jour, une mauvaise chute oblige Edmond à accepter l’aide de Rose…”
La petite chambre, c’est avant tout le plaisir de retrouver un grand acteur, Michel Bouquet, toujours vaillant sur scène, mais qui avait déserté les plateaux depuis Le promeneur du Champ-de-Mars. Affaibli physiquement, son personnage peu bavard dégage une force surprenante, du chemin de la révolte à la maturité. Sa rencontre avec une actrice expérimentée mais encore peu connue du grand public forme un très beau duo de cinéma. Florence Loiret Caille est la véritable révélation du film. Sa gouaille, son air ronchon et son énergie désordonnée collent parfaitement à un personnage de femme brisée par la perte d’un bébé mort né qui refuse d’accepter le drame et se referme sur elle même.
C’est le personnage de Rose qui est en effet au centre du film et non celui d’Edmond. Le couple qu’elle forme avec Eric Caravaca tient beaucoup dans la réussite du film. La complicité des deux acteurs permet d’inscrire l’histoire dans le réel grâce à des caractérisations très fines. Plus qu’un film sur la vieillesse, La petite chambre parle en fait d’acceptation et le dépassement. En réunissant deux personnages campés sur leurs positions qui nient la réalité telle qu’elle est, les deux réalisatrices filment la difficulté de passer le cap du deuil, de sa propre vie ou de celle de son enfant. C’est ce voyage que raconte le film. L’histoire de deux éclopés qui trouveront chacun à leur manière la capacité d’avancer et de dépasser leurs souffrances.
La petite chambre est donc loin d’être un film déprimant. La relation d’abord conflictuelle entre Edmond et son entourage réserve des répliques en or à Michel Bouquet qui offre son interprétation au masculin d’une certaine Tatie Danielle. L’évolution des rapports entre Edmond et Rose qui s’ouvrent petit à petit à l’autre et se confient sans se juger offre aussi des moments de grande tendresse. Stéphanie Chuat et Véronique Raymond réussissent leur pari d’éviter un film trop statique, grâce aux évolutions du scénario qui permet notamment une échappée sauvage et des paysages de montagne splendides.
Epuré mais nerveux, leur film franchit une nouvelle étape dans la représentation au cinéma de la très grande vieillesse. Ne niant pas l’âge, acceptant de filmer le corps et n’idéalisant pas la figure du vieux sage, La petite chambre montre au contraire un homme face à ses contradictions, mu par une certaine forme d’égoïsme qui le pousse à ne pas se rabibocher avec son fils et une ironie cynique sur sa situation. Le traitement de la relation entre Edmond et Rose évite aussi les facilités et les bons sentiments. Il n’est finalement pas question d’altruisme mais de deux douleurs qui se comprennent et s’utilisent l’une l’autre pour se maintenir à flot. Cette intelligence est aussi le seul petit défaut du film qui souffre d’une envie de trop bien faire. La symétrie symbolique entre les situations des deux personnages, l’un qui s’en va et l’autre qui renaît est un peu trop appuyée et tranche avec la finesse de l’ensemble. Cette réserve ne gâche en rien le plaisir d’une projection qui réserve un panel d’émotion rare. Un film en mouvement, volontaire et juste, à voir absolument en salles à partir du 16 février.
Gilles Hérail
La petite chambre, un premier film suisse de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond, avec Michel Bouquet, Florence Loiret Caille et Eric Caravaca, sortie en salle le 16 février 2010, 1h27
(A voir aussi: notre article sur la présence du 3ème âge et le vieillissement des acteurs dans le cinéma français: voici le lien)
3 thoughts on “La petite chambre: Michel Bouquet de retour dans un premier film lumineux et émouvant”
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