Jean-Pierre Mocky ouvre le 27e Festival EntreVues à Belfort (24-11-2012)
C’est par un joli soleil que Toute La Culture est arrivée dans la jolie ville de l’Est pour couvrir un festival riche en premiers films. Voir notre annonce.
Dans un complexe Pathé au bord de la Savoureuse (la rivière qui traverse la ville), les cinéphiles ont pu s’en donner à nouveau à cœur joie aujourd’hui, avec la projection de 2 films de Jean-Pierre Mocky, président de la cérémonie d’ouverture. De celle de la “Folle ingénue” (1946) d’Ernst Lubitsch, également à l’honneur de cette 27 édition d’Entrevues. Et d’un film rare de la République de Weimar, l’expressionniste “De l’aube à minuit” (1920), de Karl Heinz Martin. Un très joli programme en attendant le début de la compétition, dès demain.
A peine arrivés en 2h30 pile de TGV à Belfort, nous sommes emmenés sur les lieux du festival où nous nous glissons à la projection d’un des 62 films de Jean-Pierre Mocky, invité d’honneur de ce EntreVues et dont une dizaine de films a été sélectionnée pour l’occasion. Mettant en scène Mocky lui-même dans un rôle de tombeur fidèle, “Solo” (1969) est l’histoire d’un violoniste-cambrioleur qui tente de porter secours à son jeune frère devenu chef d’un groupe révolutionnaire poursuivi par la police pour attentat. Des dialogues dignes d’Audiard et un climat soixante-huitard appuyé, et même doublé par une double critique acerbe des Bourgeois exploiteurs-jouisseurs et des jeunes blancs-becs ayatollah de la doxa anti-argent.
Juste le temps de sortir humer l’air entre deux films et de voir passer un défilé de Zombies locaux des plus sympathiques nous étions partis pour prolonger cette impression post-halloweenienne par une projection assez magique : “De l’aube à minuit”, de Karl Heinz Martin un film expressionniste muet de 1920 mettant en scène l’avidité et la chute d’un caissier (interprété par Ernst Deutsch) et qui oscille entre le black du Docteur Caligari et le kitsch assumé de “L’impératrice rouge”. Dans la plus pure tradition du grand cinéma de la République de Weimar, tous les décors ont été peints à la main et le film s’étend sans jamais lasser sur 1h15 pour culminer par une course de vélos où notre banquier en cavale parie tout l’argent qu’il a volé. La vitesse passant sous les balcons-pâtes où sont installés les derniers bourgeois est figurée avec infiniment de poésie et de crainte. Un film absolument superbe, découvert grâce au festival EntreVues.
A 18h30, dans le cadre de la rétrospective atour d’Ernst Lubitsch, “La folle ingénue” (1946), une comédie qui moque la rigidité de la hiérarchie sociale à l’anglaise à travers le charmant personnage d’une nièce de plombier, Cluny Brown (Jennifer Jones). Une jubilation dans le rythme et dans les répliques qui a fait salle comble, car voir un Lubitsch sur grand écran est un plaisir qui ne se refuse pas. Charles Boyer y incarne d’ailleurs un réfugié tchèque de l’opposition au nazisme capable de convaincre les lords les plus coincés et les plus à cheval sur l’heure du thé, que si le bonheur veut qu’on nourrisse les noisettes avec les écureuils plutôt que le contraire, alors impossible n’est pas anglais. Dixit Shakespeare. Bref, un régal qui nous a mis en appétit pour la soirée d’ouverture.
C’est avec une petite demi-heure de retard et un grand sourire aux lèvres que le président des cinémas d’aujourd’hui a ouvert la cérémonie en conviant sur la scène et de manière personnifiée tous les grands thèmes du festival : l’argent, le désir, la turbulence et bien sûr la compétition. Le maire socialiste de Belfort, Etienne Butzbach a tenu un long discours très référencé malgré la perte d’une page de notes, faisant un très joli portrait de Mocky et saluant les notables de la salle seulement en dernier mais de tout cœur. Plusieurs responsables régionaux se sont également exprimés pour partager leur enthousiasme sur les 27 ans de découvertes et d’émotion à EntreVues.
Puis l’énergique directrice générale et artistique, Catherine Bizern, a défendu ses positions exhaustives, de l’art digital aux séances spéciales pour les classes de maternelles en mettant l’accent sur l’existence de nombreux liens entre des champs d’apparence divers, liens qu’il faut savoir chérir et protéger. Enfin, l’air très détendu, Jean-Pierre Mocky est entré en scène pour définir la Franche-Comté et plus généralement l’Est de la France comme une “région cinématographique” où lui même a tourné 7 films; les lieux et la chaleur de gens lui rappelleraient ses origines orientales polonaises et tchétchènes. Avec son franc-parler habituel, il a déclaré qu’un festival comme EntreVues ferait probablement du bien aux jeunes qui ne “regardent que des bêtises”. Et enfin, le réalisateur a présenté comme un “film populaire” et non “un film intellectuel où on se branle” le film d’ouverture, le thriller “Noir comme le souvenir” (1994).
Tourné près de Zürich, il décrit le réactivation, 17 ans après du meurtre terrible d’une petite fille de 6 ans. Tous les thèmes de Mocky sont dans le film : pédophilie, suspense, couple, lutte des milieux sociaux. Porté par un casting de choc (Jane Birkin, Sabine Azéma, Jean-François Stévenin), le thriller crée très habilement un climat de malaise parfaitement bien mené. La sobriété du final vient clore en beauté un très grand film. Quelques mots encore du réalisateur après le film pour évoquer la mort d’un des acteurs, Benoît Régent, à la fin du tournage et le caractère fantastique et angoissant du film et il était temps de trinquer au succès de cette 27ème édition, avec quelques bulles de champagne et un très beau buffet qu’embaumaient des fontaines de chocolat.
Dimanche 25 novembre, la compétition commence et le nouveau film de Jean-Pierre Mocky, “Le Mentor” sera projeté en avant-première.
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