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Côte d’Azur, grand concours de jardins durables

Côte d’Azur, grand concours de jardins durables

13 April 2023 | PAR Sabina Rotbart

 

Le Festival des jardins de la Côte d’Azur présente 17 jardins éphémères ouverts gratuitement au public jusqu’au 1er mai. Une Biennale tonique et populaire qui ne cesse de prendre de l’ampleur. 

De Grasse à Menton en passant par Cannes, Nice, Antibes et Monaco, dix-sept jardins éphémères sont actuellement ouverts à la visite sur la Côte d’Azur. Le public peut ainsi découvrir gratuitement (un fait rare dans ce secteur souvent élitiste) les créations de paysagistes venus participer à ce concours international orchestré par Jean Mus grand paysagiste des jardins secs autour du thème des « surprenantes perspectives ». Avec comme impératif d’être éco-responsables, de recycler tous les matériaux et d’utiliser des plantes peu gourmandes en eau. Mais cette dernière exigence, c’est la tradition même du jardin méditerranéen comme le retrace la spécialiste Louisa Jones dans son dernier ouvrage le Jardin ensauvagé paru chez Actes sud).

 

Dans ce département des Alpes maritimes où les jardins ont participé au développement de la villégiature au XIXème, cette Biennale qui a débuté en 2017 renouvelle l’élan d’une région pionnière en matière de paysage. Qui a mené autrefois à acclimater agaves et palmiers et à construire le décor exotique de la Riviera. 400000 visiteurs étaient accourus il y a deux ans, ce qui témoigne de l’intérêt du grand public. On peut penser que ces jardins d’avant-garde dont le gazon est banni ont un effet pédagogique non négligeable.

 

Qu’ils soient durables était le maître mot des jardins créés. Primé par le jury, « La voie Héracléenne « de Nicholas Tomlan séduit par son minimalisme et son aspect hiératique. Installé sur une des terrasses de la ravissante Villa Fragonard à Grasse, il reprend ce tracé mythique qui liait les villes méditerranéennes aux Alpes le long duquel Hercule aurait poussé ses bœufs. Plus récemment évoque Nicholas Tomlan ce chemin bordé de roches, inspiré des ruines grecques est orienté selon les points d’orientation utilisés par les Gaulois, solstices d’été et d’hiver. Une perspective spatio-temporelle donc. Les végétaux sont strictement locaux, arbre de Judée, grenadier, romarin, fenouil, pistachier lentiscus, euphorbes et santolines tous provenant des pépinières voisines. Plus volontariste encore, le remblai est issu de graves de carrières voisines. Et le jardin semble hors-temps, éternel. Toujours déjà là. Clin d’œil plein d’humour dans ce faux-vrai jardin tellement local, la plantation dans l’allée tracée de petites touffes de Zoysia qui lui n’est pas du tout local mais planté là pour simuler les « mauvaises herbes » qui auraient poussé naturellement. C’est donc un questionnement très actuel sur le faux particulièrement sensible dans un temps qui baigne dans le fake mais aussi autour de l’idée de « mauvaise herbe » remise en cause par des paysagistes comme Gilles Clément. Plus sérieusement la zoysia est un couvre sol proposé dans le Sud comme alternative au redoutable gazon anglais affolé d’arrosage. Bien sûr Tomlan est très loin d’être un inconnu puisqu’il a été couvert de prix ici et ailleurs. Botaniste en chef au Château de Chenonceau, primé à Chaumont… Mais son geste reste convainquant.

 

 

Toujours dans cette veine éco-durable de très jeunes paysagistes de l’équipe Le Pack paysagiste associés et la designer Louise Rué primés eux aussi ont proposé à Nice sur l’esplanade Albert 1er un jardin radical qu’on pourrait dire d’après la catastrophe.  Baptisé « Perspective d’avenir », c’est un jardin dystopique où le gazon n’est représenté que post-mortem avec sa pierre tombale  (un paillage de chanvre qui lui fait comme un linceul racontent les auteurs). C’est aussi une  ode à l’arbre, couvert bienfaisant. Très graphique et minimal, ce vestige d’un jardin classique n’en est pas moins riant, une qualité finalement assez rare dans les créations présentées. Arabesques repensées, perspectives en miroir, c’est un questionnement sur ce que deviendraient les jardins classiques dans une perspective durable.

Très conceptuel mais n’oubliant pourtant pas le végétal, Twistcape de l’italienne Paola Sabbion architecte et paysagiste, présenté lui aussi à Nice, décadre le regard posé sur le paysage. Ceci en vrillant une pergola carrée qui propose alors un cheminement sinueux. La raideur du cadre de bois est adouci par une végétation basse des herbacées mouvantes au vent. Une façon de faire bouger la perspective qui inclut le spectateur devenu lui-même acteur en marche. Les espèces sont celles du maquis ou des zones arides. C’est à la fois géométrique, allusion à la perspective de Léonard et doux, une douceur accompagnée par l’évolution des graminées qui vont du sec à l’humide rappelant l’évolution des saisons.

Conceptuel aussi mais très gracieux, le Temple de Maggie Wu Wai Chung artiste designer de Hong Kong et Alejandro O’Neill, uruguayen passionné par l’écologie et la durabilité change physiquement notre pratique du jardin ce qui devrait théoriquement s’accompagner d’une plus grande humilité de l’humain !  Installé dans le splendide jardin de la Villa Rothschild à Cannes c’est un temple de rubans devant lequel on doit s’incliner pour y pénétrer et ensuite s’assoir ou se coucher dessous pour sentir, humer, toucher les plantes disposées autour. Des euphorbes des garrigues, des cistes, des myrtes, des aromatiques aussi.

A noter que durant tout le festival plus de cent animations grand public sont organisées et que les jardiniers des espaces verts ont eux aussi créés 14 jardins éphémères à visiter parallèlement.

Red forest dans le jardin de la Villa Rotschild à Cannes

Pour en savoir plus : http://www.festivaldesjardins.departement06.fr

Où loger : pour un week-end de folie, le Palais Saleya à Nice, un boutique hôtel de charme dans le vieux Nice, dont une partie est traitée en appart-hôtel ce qui permet de venir en famille. www.Palaissaleya.com

Où dîner : Les agitateurs, pour l’expérience! Existe aussi en version très accessible. www.lesagitateurs.com

 

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Sabina Rotbart
journaliste en tourisme culturel, gastronomie et oenotourisme. [email protected]

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