Habemus papam ouvre le festival international du film de La Rochelle
La 39e édition du festival international du film de La Rochelle qui se tiendra jusqu’au 10 juillet s’est ouverte vendredi soir au théâtre de la Coursive avec Habemus papam de Nanni Moretti.
Le maire de la ville, Maxime Bono, appelle le comité d’organisation et les cinéastes en résidence, à venir le rejoindre sur la scène. Il est de bon ton de lancer quelques vannes sur l’affaire DSK au milieu des discours. Jean-Claude Carrière, dont l’œuvre de scénariste se voit célébrée le temps d’un cycle, y voit un vaste complot… contre le cinéma, relevant les hasards du calendrier qui ont fait démarrer les intrigues du Sofitel lors du festival de Cannes et les ont fait rebondir à La Rochelle. Même si tous ont Libé (partenaire du festival) à la main, les festivaliers ne sont pas là pour parler politique mais 7e art. L’acteur Michel Piccoli arrive en dernier, auréolé des applaudissements du public. Celui qui est décrit comme un « enragé » du festival (on se rappelle l’avoir vu l’année dernière parmi les spectateurs vêtu d’une chemise violette un peu plus claire que celle qu’il arbore cette année) vient présenter le sixième film de Nanni Moretti, Habemus papam, récemment projeté à Cannes en compétition officielle et dans lequel il tient le premier rôle. La lumière tombe et dévoile sur l’écran la place Saint-Pierre….
Un cercueil passe, fendant la foule. C’est l’heure pour le conclave de se réunir et d’élire un successeur au défunt pape. Les fidèles et les médias, amassés sur le parvis, attendent que la fumée devienne blanche et indique au monde chrétien qu’un nouveau berger a été choisi. Au sein de la chapelle Sixtine, chaque cardinal griffonne le nom d’un de ses voisins. Mais on est loin de l’ambiance d’une primaire de présidentielles car chaque favori prie le seigneur que la charge pontificale ne lui incombe pas. A la surprise générale, c’est un homme sur lequel nul n’avait misé, le cardinal Melville (Michel Piccoli), qui se voit confier les rênes du monde catholique. Alors qu’il est appelé à dévoiler son identité à la face du monde en se présentant au balcon de la basilique, il jette un hurlement de détresse et se retranche dans ses appartements, ne se jugeant pas à la hauteur de la tâche que le seigneur et/ou les hommes lui ont attribuée. Confronté à cette situation extraordinaire, le Vatican dépêche un psychothérapeute (Nanni Moretti) pour ramener sa sainteté à la raison… Pour Melville, c’est l’heure d’une errance introspective.
Habemus papam n’est en rien un biopic semi fictif tendance Le caïman dans lequel le même Moretti s’attaquait en 2006 à la figure de Berlusconi. Nul portrait d’un Jean-Paul ou d’un Benoit mais une fable drolatique autour des grands serviteurs du Christ. Moretti a laissé libre court à son imagination, et avec un plaisir évident. Quand un psychothérapeute envahit les allées immaculées du Vatican, il va y avoir du sport ! Et plus exactement de belles parties de volleyball entre cardinaux, en quête d’un corps sain pour un esprit saint. Mais le film ne peut en rien se résumer à quelques situations tendant vers le burlesque. C’est l’âme humaine, et plus exactement l’implication religieuse, que Moretti s’est attaché à décortiquer, en démontant les artifices théâtraux qui font le jeu du pouvoir et s’infiltrent dans les recoins les plus reculés de la foi. Moretti débusque l’humain caché sous l’icône qui se fendille, en s’intéressant non pas au personnage mais à celui qui se cache derrière le faste millénaire et les robes brodées. Habemus Papam dessine le cheminement intérieur d’un homme d’église qui se rêvait acteur. Alors qu’on lui offre le rôle de sa vie, celui de pape, il se voit écrasé par les doutes, ne percevant dans son nouveau statut qu’une vaste imposture. Tandis que chacun l’encourage à monter sur la scène, il se voit incapable de jouer le jeu. En tant que pape, ne devrait-il pas changer le monde plutôt que sauver la face ? Moretti interroge ainsi sur la place de l’Eglise dans la société contemporaine. Où est la vérité, où est le mensonge dans la grande emphase liturgique et les traditions millénaires revues à la sauce ultramédiatique ? Qui peut prétendre au rôle de guide ? Autant de questions légitimes posées par le réalisateur qui livre une belle leçon d’humilité.
Le film est emmené par une fantastique brochette d’acteurs. Ceux-ci composent un sympathique retable qui a pour panneau principal la figure magistrale et émouvante de Michel Piccoli. Les spectateurs ne s’y sont pas trompés : La lumière se rallume et les applaudissements fusent, comme sur la place Saint-Pierre. Dans cette histoire de pape qui refuse de jouer la comédie, le public a acclamé l’acteur, lors d’une standing ovation aussi longue que méritée.
Habemus papam, 2011, film de Nanni Moretti avec Michel Piccolli et Nanni Moretti, durée : 1h44, sortie en salle le 7 septembre 2011
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